Aleister Crowley – Une brève biographie

« Invoque-moi sous mes étoiles !

L’amour est la loi, l’amour sous la volonté. »

Aleister Crowley, Liber Al vel Legis, I. 57.

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C’est le 12 octobre 1875 à minuit que naît Edward Alexander Crowley, dans la petite ville de Leamington Spa en Angleterre. Son père, un brasseur à la retraite, et sa mère Emily appartiennent à une secte protestante fondamentaliste : les darbystes, ou Frères de Plymouth. Pour ces croyants, seuls sont acceptables une lecture littérale de la Bible et une grande austérité des moeurs. Étouffé par ce climat de rigorisme moral qu’il qualifiera plus tard d’ « enfance en enfer », le jeune Alexander se détourne rapidement de la foi chrétienne. La légende veut que sa mère l’ait surnommé « La Bête » en référence à l’Apocalypse, surnom qu’il s’appropriera en se faisant appeler Tau Mega Therion  (littéralement en grec : « la grande bête »).

Sa première vocation est littéraire, et très jeune il s’attèle à l’écriture de poèmes. Son père décède alors qu’il n’a que 12 ans, et il reste seul avec sa mère. 4 ans plus tard, il est retiré du collège et confié à un précepteur, officiellement un protestant rigoriste, mais qui vit en réalité de la façon la plus hédoniste qui soit. Il va initier Crowley, à l’insu de sa famille, au tabac, à l’alcool, aux jeux et aux femmes.

À la même époque, à l’occasion de voyages dans les Alpes, le jeune Alexander se passionne pour l’alpinisme. L’année de ses 20 ans, il escalade l’Eiger en solitaire dans les Alpes bernoises.

En 1895, il intègre le Trinity College de Cambridge où il étudie la littérature tout en menant une vie dissolue, fréquentant des prostituées, couchant avec des hommes aussi bien que des femmes. C’est à cette époque qu’il change son nom en Aleister (pour la consonance celtique) et noue ses premiers contacts avec les sociétés secrètes, dont la Golden Dawn.

Sans doute la plus célèbre de nos sociétés secrètes modernes, The Hermetic Order of the Golden Dawn in the Outer fut fondée en 1888 sur l’initiative de 3 membres d’une société maçonnique anglaise : le docteur William Wynn Westcott, William Robert Woodman, et Samuel Liddell « MacGregor » Mathers. Fortement hiérarchisée, à l’image de la Franc-Maçonnerie dont elle est issue, la Golden Dawn se présentait comme une « université » consacrée à l’enseignement des sciences occultes. Les initiés y étudiaient la Kabbale hébraïque, l’alchimie, l’astrologie, l’hermétisme, etc. Pour progresser dans les grades, ils devaient assimiler un vaste corpus de connaissances et passer une série d’initiations et d’examens. Les activités de la Golden Dawn durèrent une quinzaine d’années, puis la société fut dissoute en 1900, éclatant en des dizaines de loges schismatiques qui s’en disputent l’héritage encore de nos jours. Aleister Crowley y fut initié en tant que néophyte le 18 novembre 1898, alors que l’ordre présentait déjà des signes avant-coureurs de schisme. Son adhésion dura moins de 18 mois, mais l’influence de ce groupe sur ses propres recherches magiques reste fondamental.

Crowley02Se voyant refuser l’initiation aux degrés supérieurs de la Golden Dawn et las des luttes de pouvoirs qui la ravagent, le mage décide en 1901 de délaisser l’Europe pour le Mexique, puis s’offre un détour par le Japon, Singapour, etc. avant de s’attarder sur le continent indien pour y étudier le yoga, ce qui lui permet dans la foulée d’entreprendre l’ascension du deuxième plus haut sommet de l’Himalaya, le Chogo Ri.

De retour en Europe en 1903, il épouse Rose Kelly qui devient sa première « femme écarlate » (une référence à l’Apocalypse où la « femme écarlate » chevauche la Bête). Avec elle, il entame un tour du monde : Paris, Naples, Ceylan, puis Le Caire. Dans cette ville, Rose se révèle médium. Sur les conseils de son épouse, Crowley invoque le dieu égyptien Horus, ce qui l’amène à entrer en contact avec une entité du nom d’Aiwass. Celui-ci lui dicte le Liber Al vel Legis censé annoncer l’avènement d’une nouvelle ère religieuse. Le contenu de ce livre constitue la base de la future religion « thélémite ».

Du grec ancien thelema (« volonté »), le terme apparaît d’abord chez François Rabelais dans son ouvrage Gargantua où il est question de l’abbaye de Thélème dont la loi unique est: « fais ce que voudras ». Il sera adopté par Crowley pour désigner son système mystique après la révélation du Caire. Il faudra cependant un certain temps au mage pour accepter le contenu du Livre de la Loi qui dérange profondément ses croyances.

En attendant, il fonde l’Astrum Argentinum en 1907, un ordre qui se rendra célèbre en donnant à Londres des représentations publiques des « rites d’Eleusis ». Dès lors, la presse va s’intéresser aux activités de Crowley et lui forger la réputation qu’on lui connaît. Il fonde également sa propre revue, The Equinox.

En 1912, Crowley est admis au sein de l’Ordo Templi Orientis (O.T.O., un ordre néo-templier dirigé par Theodor Reuss) où il grimpe vite les différents échelons. Deux ans plus tard lui sera confiée la gestion des loges anglaises et irlandaises dont il réécrit les rituels pour y intégrer des éléments de Thelema. Puis, en 1923, à la mort de Reuss, Crowley prend la tête de l’O.T.O. qui demeure, à l’heure actuelle, l’un des plus importants groupes thélémites dans le monde.

L’année de son entrée dans l’O.T.O., Crowley entame l’écriture de son oeuvre majeure : Magick in Theory and Practice : « Je peinai, écrit-il au début de l’ouvrage, pour trouver un mot qui désignerait adéquatement mon travail (…). Je choisis le mot « magick » comme essentiellement le plus sublime, et actuellement le plus discrédité, de tous les termes disponibles ». Il s’agit pour Crowley, de rendre ses lettres de noblesse à ce qu’il définit comme « la Science et l’Art de provoquer des changements en conformité avec la Volonté ».

Vers la fin de la première guerre mondiale, Crowley, qui a quitté l’Europe pour les États-Unis, fait la rencontre de Leah Hirsig et entame parallèlement une liaison avec sa dame de compagnie, Ninette Fraux. En 1921, le trio s’installe à Cefalu en Sicile, pour y fonder l’Abbaye de Thélème. Mais l’expérience sera de courte durée. 2 ans plus tard, Crowley, qui a épuisé la totalité de sa fortune et s’adonne à la consommation d’héroïne et de cocaïne, se heurte à la presse à scandale et au régime fasciste qui voit d’un mauvais œil ce personnage haut en couleur. Enfin, le décès accidentel de Raoul Loveday, en février 1923, porte un coup fatal à l’Abbaye. La petite communauté est chassée d’Italie.

Après cet échec, Aleister Crowley, couvert de dettes, se remit à parcourir l’Europe en quête de mécènes et d’éditeurs, mais ses diverses tentatives furent globalement des fiascos, jusqu’à son décès qui survint en 1947.

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Melmothia, 2008.

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