Le mystère de Satan

Ndt : Le titre original de cet essai est « The Geryne of Satan », Geryne étant un terme de vieil anglais signifiant « mystère » qui est également employé à plusieurs reprises dans le texte.

À noter que le lecteur doit garder à l’esprit le parti-pris antisémite de l’ONA en abordant cet essai.

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Introduction

Ce bref essai soulignera quelques faits intéressants concernant les termes « Satan » et « Satanisme » (et donc « Sataniste »), notamment leur usage historique en langue anglaise, et pourrait par conséquent guider les plus malins vers la compréhension du mystère [1] de Satan, à savoir que ce secret énigmatique de Satan consiste simplement à être ou devenir, d’une façon hérétique, espiègle et antagoniste, réellement un satan.

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 Satan

Les scribes de la Septante traduisaient généralement l’hébreu שָׂטָן par ὁ διάβολος/τω διάβολω, un terme grec désignant un adversaire et une personne considérée péjorativement (par ses opposants) comme intriguant, complotant contre eux. Autrement dit, l’expression rejoint le sens de πίβουλος : comploter contre ou être opposé à (aux soi-disant « élus »). Quelqu’un qui suscite le trouble et la dissidence.

 C’est seulement dans quelques extraits plus tardifs, comme Job et les Chroniques, que les Hébreux semblent vouloir y mettre autre chose et le terme est alors habituellement accompagné de l’article défini : hasatanle satan, l’adversaire en chef (des soi-disant « élus »), le comploteur suprême, celui qui, dans certains passages, est gratifié d’une hagiographie fantaisiste, celle de « l’ange déchu ».

 Si l’on considère, à présent, que les parties les plus anciennement connues de la Septante remontent approximativement au deuxième siècle av. J.-C. [2] – et pourraient bien, par conséquent être contemporaines de la composition de la plus grande partie du Pentateuque hébreu (ou du moins, guère plus vieilles, les plus anciennes remontant approximativement à 230 av. J.-C. [3]), le fait que les scribes aient pu traduire le mot satan par ὁ διάβολος/τω διάβολω est très intéressant et significatif, si l’on considère la signification des termes grecs, car cette indication alimente la thèse selon laquelle dans son usage et sa signification originels, satan  désigne un ou plusieurs être(s) humain(s) complotant « diaboliquement », échafaudant des plans ou étant « diaboliquement » opposés à ceux qui se considèrent comme des « élus » par leur Dieu monothéiste, et que ce n’est que beaucoup plus tard que « le satan » devint, dans l’esprit des auteurs des écrits les plus récents de l’Ancien Testament, un « Ange déchu » diabolique.

Il est ainsi généralement admis par les savants que le mot hébreu satan (habituellement, un satan), dans les plus vieilles parties de l’Ancien Testament, renvoie à un opposant ou un adversaire humain (du peuple élu par Dieu, les Hébreux) [4] ou bien à un individu ou un groupe complotant contre eux.

Ainsi que cela a déjà été mentionné dans plusieurs textes de l’ONA, par esprit de contradiction hérétique et tout particulièrement pour contredire la majorité des satanistes autoproclamés modernes, l’ONA affirme que le mot « satan » trouve son origine dans le grec ancien.

Autrement dit, nous affirmons que le terme hébreu dérive d’un mot plus ancien (à l’origine phénicien) qui devint en grec ancien αἰτία/αἴτιος — comme, par exemple, dans l’homérique μείων γὰρ αἰτία (accuser/blâmer) ou dans « une accusation » (cf. Eschyle : αἰτίαν ἔχειν) — et que c’est cette ancienne forme grecque qui, corrompue, donna le mot hébreu satan ; ainsi que le Shaitan de l’Islam. De surcroît, en grec classique, αἰτία et διαβολή — accusation, calomnie, querelle — étaient souvent utilisés avec la même nuance implicite négative de fausse accusation, la personne accusée se présentant ainsi comme l’ennemi de ses accusateurs, ou lorsque la situation sous-entendait une inimitié avérée (et donc un conflit, un complot et une intrigue), par exemple chez Thucydide : κατὰ τὰς ἰδίας διαβολὰς (2.65).

Étant donné que, pendant des siècles, שָׂטָן, tel que décrit dans l’Ancien Testament des Hébreux fut couramment traduit en Anglais par sathans [5] et donc prononcé « sath-ans » (et non « say-tan »), il est peut-être plus facile de comprendre comment le Grec αἰτία — et la forme homérique plus ancienne αἴτιος — ont pu être transformé, par des non-Grecs, en שָׂטָן.

 Concernant Dieu et son « ange déchu », ainsi qu’il a été mentionné dans un autre texte de l’ONA : « Il existe de solides indices historiques permettant de penser que les auteurs de l’Ancien Testament puisèrent leur inspiration ou adaptèrent des histoires, des mythes et des légendes plus anciens relatifs à une déité perse que l’on nomma Ahriman, qui pourrait être ainsi considérée comme l’archétype du Satan biblique ainsi que de l’Iblis coranique. De même, des éléments solides permettent de penser que le Dieu — Jehovah — de l’Ancien Testament a pu être inspiré de mythes et légendes relatifs à une déité perse dénommée Ahura Mazda » (A Short History and Ontology of Satan).

 En outre, malgré les protestions de quelques érudits hébreux et nazaréens, il est désormais admis que les parties les plus anciennes de l’Ancien Testament ont probablement été écrites entre 230 et 70 av. J.-C., donc bien après l’époque des Grecs, tels qu’Eschyle et bien après que le mot grec aitia ait été utilisé pour désigner une accusation.

 Il est par ailleurs intéressant de noter, en anglais, une utilisation ancienne du terme pluriel « satans » pour désigner des adversaires, que l’on trouve dans le livre A paraphrase on the New Testament with notes, doctrinal and practical, publié à Londres en 1685 et écrit Richard Baxter, natif du Shropshire :

« Nous entraver dans l’œuvre de Dieu et dans le Salut des hommes, c’est être des Satans pour nous. Ô combien de Satans s’appellent maintenant révérends Pères, qui réduisent au silence et persécutent les hommes qui font l’œuvre de Dieu » (Matthieu 16:23).

 Dans un texte plus ancien, publié en 1550, les enfants de Sathan [chyldren of Sathan] sont assimilés aux hérétiques :

« Plusieurs évêques de Rome sont des anabaptistes, des hérétiques, des schismatiques et des enfants de Sathan » John Coke. The debate betwene the heraldes of Englande and Fraunce. 1550, g. Givv [Débat des hérauts d’armes de France et d’Angleterre. Paris, Firmin Didot et cie, 1877 ]

 Ainsi, le terme satan/sathan/sathanas désigne (sous un angle historique) :

1) Un/des humains qui complotant diaboliquement, échafaudant des plans ou s’opposant à ceux qui [6] se considèrent eux-mêmes comme élus par leur Dieu monothéiste ; 2) et/ou un/des humains hérétiques et hostiles, opposés au statu quo, et tout particulièrement opposés, du moins il semblerait, à la religion des Nazaréens.

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 Satanisme

 Le plus ancien usage connu du terme « Satanisme » en langue anglaise, c’est-à-dire de l’application du suffixe — isme au mot « Satan », se trouve dans A Confutation of a Booke Intituled An Apologie of the Church of England, publié à Antwerp en 1565 et écrit par le catholique récusant Thomas Harding [1] :

« Je parle du moment où Luther apporta pour la première fois en Germanie la coupe empoisonnée de ses hérésies, blasphèmes et sathanismes ». À Confutation, Antwerp, 1565, ii. ii. f. 42v

 Ici, trois choses sont intéressantes :

1) Premièrement, l’écriture « sathanismes », qui dérive de « sathan », une variante qui fut d’usage courant durant de nombreux siècles, comme, par exemple, dans Piers Plowman de Langland, publié en 1337 :

« Comme ils servent Sathan, il aura leur âme », Piers Plowman B. ix. 61.

Ainsi que, des siècles plus tard, dans la pièce de théâtre datant de 1669, Man’s the Master, par William Davenant :

« Un millier de Sathans emportent toute la chance » (v. 87).

2) Le second point intéressant, ainsi que le montrent les citations ci-dessus et d’autres, est que le terme « sathan » était utilisé couramment pour désigner un ou plusieurs conspirateurs, comploteurs, arnaqueurs, ou adversaires.

3) Le troisième point intéressant est que le premier usage du suffixe, par Thomas Harding, tout comme l’utilisation subséquente et commune du terme « Satanisme », renvoie à un personnage, une nature ou une doctrine antagonistes, diaboliques. Autrement dit, les premiers sens et usage du terme « Satanisme » n’impliquent ni « l’adoration de Satan » ni quelque croyance religieuse ou philosophique qui serait associée à la figure de Sathan.

De surcroît, comme cela a été dit précédemment, un vieil usage (1685) du terme « Satans » implique de la même façon l’idée d’une personne diabolique ou ennemie :

« Nous entraver dans l’œuvre de Dieu et dans le Salut des hommes, c’est être des Satans pour nous. Ô combien de Satans s’appellent maintenant révérends Pères, qui réduisent au silence et persécutent les hommes qui font l’œuvre de Dieu », Richard Baxter. A paraphrase on the New Testament with notes, doctrinal and practical. London, 1685 CE, Matthew, xvi. 23.

Enfin, en 1893, l’écrivain Goldwin Smith utilisa le terme « Satanisme » dans son sens courant ancien, pour se référer à un type de révolution sociale qu’il juge destructrice :

« Cette sorte de révolution sociale, qui peut être qualifiée de Satanisme, car elle cherche, non à reconstruire, mais à détruire », Goldwin Smith. Essays on questions of the day. (Macmillan, 1893 CE)

De la même façon, un article paru plus tôt, en 1833, dans le magazine Fraser’s magazine for Town and Country employa le terme à propos de Byron :

« Cette scène de Byron est réellement sublime, en dépit de son Satanisme », Vol 8 no. 524.

 Ainsi, le terme anglais « satanisme/sathanisme » décrit (sous un angle historique) : 1) un blasphème, une ou des hérésies ; 2) un type d’opposition destructrice (c’est-à-dire concrète).

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 Sataniste

 Les plus anciennes utilisations connues du terme « Sataniste », c’est-à-dire le suffixe — iste est appliqué au terme « Satan », impliquent une signification similaire à celle évoquée précédemment, à savoir la nature ou le caractère diaboliques, adverses, d’hérétiques et d’une doctrine hérétique :

« Les anabaptistes, avec d’autres innombrables essaims de satanistes », John Aylmer. An harborowe for faithfull and trewe subjects agaynst the late blowne blaste concerning the gouernment of wemen. London, 1559, sig. H1v.

« Êtes-vous zuingliens, arianistes, anabaptiste, calviniste, ou sathanistes ? », Thomas Harding. A Confutation of a Booke Intituled An Apologie of the Church of England. Antwerp, 1565.

 « Athée par nature, machiavélique par art, en somme, un Sathaniste, tel était sa nature » Marphoreus. Martins Months Minde. 1589 [7].

 Ce n’est que bien plus tard, vers 1896, que le terme « Satanisme » sera utilisé pour désigner les personnes censées adorer Satan :

« Il y a cinq temples du Satanisme à Paris même », Arthur Lillie. The worship of Satan in modern France. London 1896.

« On croit, sur le Continent, que des prêtres apostats célèbrent fréquemment pour les satanistes et les Francs-Maçons », Joseph McCabe. Twelve years in a monastery. London, 1897.

Par conséquent, en Anglais, le terme « sataniste/sathaniste » désigne (sous un angle historique) : 1) un adversaire, une personne diabolique ; 2) ceux qui adhèrent ou bien se font les champions de doctrines hérétiques, adverses.

 Conclusion

 Comme quelqu’un l’écrivit, il y a plus de deux mille ans : « εδέναι δ χρ τν πόλεμον ἐόντα ξυνόν, κα δίκην ριν, κα γινόμενα πάντα κατ΄ ριν κα χρεώμενα » [8].

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Anton Long, Ordre des Neuf Angles, 122ème année de Fayen (Texte révisé en 2455853.743)

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Notes :

[1] Le vieil anglais gerӯne (du vieux Saxon girūni), signifie « secret », « mystère ».

[2] Le plus ancien fragment de manuscrit — le papyrus grec n° 458 de la collection de papyri de Rylands [cf. Bulletin of the John Rylands Library, 20 (1936), pp. 219-45] — fut trouvé en Égypte et remonte au deuxième siècle av. J.-C..

 [3] Il est, évidemment, dans l’intérêt des Nazaréens et des Magiens de soutenir ou de croire que l’Ancien Testament hébraïque des Hébreux fut écrit des siècles avant cette date, de la même manière qu’une telle datation ancienne est une affirmation populaire [mundane] commune, perpétuée par ceux qui considèrent internet comme une source fiable d’information et par ceux qui n’ont pas étudié, durant des années, le sujet de façon scientifique. S’ils avaient entrepris une telle étude scientifique, ils seraient au courant des débats universitaires portant sur la datation de l’Ancien Testament hébraïque — et de la Septante — qui ont cours depuis bien plus d’une centaine d’années, tout comme ils seraient également capables de porter un jugement personnel et documenté sur le sujet.

 Mon opinion personnelle est qu’il y a de bonnes raisons de penser que 230 av. J.-C. (+/ — 50 ans) est la date probable la plus ancienne de l’Ancien Testament. Je dois cependant ajouter qu’il s’agit encore d’une « opinion minoritaire », de nombreux universitaires préférant toujours la date moins « risquée » de 350 av. J.-C. (+/ — 30 ans).

[4] Par exemple : καὶ ἦσαν σαταν τῷ Ισραηλ πάσας τὰς ἡμέρας Σαλωμων (3, Rois, 11:14).

 [5] Voir aussi la section sur le « Satanisme » plus bas.

 [6] καὶ ἔστη διάβολος ἐν τῷ Ισραηλ.

 [7] Voir The Martin Marprelate Tracts (1588–89) et Cambridge History of English Literature, volume III – Renascence and Reformation, Cambridge UP, 1920, p. 394f

 [9] « Il faut être conscient que Polemos envahit δίκη [la justice] par la discorde et que les êtres naissent naturellement de la discorde » [Traduction DWM].

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Note :

[1] Ndt : Furent appelés « récusants » les chrétiens réfractaires à l’Église d’Angleterre à partir du 16e siècle.

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