Le Liber Azerate - Présentation | Rat Holes 1

Le Liber Azerate – Présentation

 

« J’élève la voix vers Toi, ô Mère sans nom, libère mon esprit de ses entraves, par Ta voix silencieuse, résonnant depuis l’au-delà du créé ; par Tes ailes de dragons invisibles !

Étreins-moi de Tes flammes voraces et rends-moi, pour toujours, à moi-même !

Mon désir n’est qu’une apparence, ma haine est une illusion, et mon amour n’est qu’un rêve. Toi et Toi seule as le pouvoir d’épanouir ma Flamme Divine la plus profonde !

Je T’appelle dans le silence qui déchire les entraves de ma conscience et, les yeux fermés, j’admire Ta beauté invisible !

Tous les mots détournent de Ta puissance, toutes les émotions m’éloignent de Ton chemin, et toutes les pensées nient Ta vérité !

Par conséquent, je me jette sans crainte dans l’obscurité insondable, et que Ta Flamme indéfinissable qui brûle en moi, me conduise, embrasé, hors des contingences, vers Ton royaume éternel !

Tu es tout ce qui n’est pas, Tu es tout ce que je veux !

Ton silence retentit comme le tonnerre, et éveille à la vie la Flamme Noire de mon âme.

Ton absence m’a ouvert les yeux sur l’angoisse insensée qui résume toute l’existence.

Tu es un, Tu es tout, Tu n’es personne et Toi seule peux me procurer la paix éternelle !

Tu es tout ce qui n’est pas, Tu es tout ce que je veux !

Tu es le Chaos qui est au-delà de tout !

Tu es le Chaos qui sera tout !

Tu es Chaos-Sophia, la perspicacité et la sagesse qui libère l’âme ! Tu es Celle qui a toujours été et toujours sera ! »

*

– Litanie Chaosophique –

*

Paru en 2002, le Liber Azerate – Le livre du Chaos Enragé, est le premier ouvrage connu présentant la doctrine de la Chaosophie, également appelée Chaos-Gnosticisme ou Satanisme anti-cosmique. Son auteur, Frater Nemidial (probablement Vlad/Nemesis) est le fondateur et grand maître du Misanthropic Luciferian Order (MLO). L’ouvrage est en suédois et n’a jamais connu de traduction officielle en d’autres langues, mais plusieurs traductions non autorisées, de qualité variable, circulent sur internet.

Bien que se présentant au premier coup d’œil comme parent d’autres courants du Left Hand Path, la Chaosophie a l’originalité d’être perchée sur la branche du gnosticisme classique (voir par là). Autrement dit, les Chaosophes appréhendent le cosmos comme une prison et le Démiurge de ce monde comme foncièrement mauvais :

« Le MLO considère le Cosmos comme étant la création du démiurge fou, la prison où les Flammes Noires sont retenues prisonnières […]. Le but essentiel du MLO est la libération de ces Flammes Noires par le dépassement des limites imposées par le temps et l’espace cosmiques. Ce dépassement anticosmique ne peut être atteint […] que grâce à la réception de la Gnose, c’est-à-dire de la connaissance ».

Le but à atteindre est donc pour l’adepte de se libérer des entraves du cosmos, notamment de la réincarnation, afin de retourner au Chaos. Il s’agit également de permettre au Chaos de prendre sa revanche sur le démiurge usurpateur en détruisant purement et simplement le cosmos. Quant à la Flamme Noire, elle correspond à l’âme ou l’étincelle divine du gnosticisme :

« La Flamme Noire / le Feu Acausal, qui est l’essence “spirituelle” derrière ou au-delà des formes causales de la conscience humaine, est notre lien à l’essence primordiale, qui est le Chaos.

Notre Je (ego) est le jouet des contraintes cosmique, tandis que notre Soi [1], qui est l’entièreté de notre être acausal, est au-delà des contraintes et des limites humaines – il est l’obscure puissance latente que nous appelons la Flamme Noire intérieure. »

Cette libération, comme dans les courants antiques, implique la Gnose qui est illumination et réminiscence. Cette prise de conscience peut passer par des révélations successives, des initiations ou des études de texte, mais doit impérativement être vécue intérieurement. L’être humain doit identifier et reconnaître, pour ainsi dire localiser, le divin en lui. Cette gnose est présentée comme la seule passerelle permettant la libération de l’étincelle divine (ici, la flamme noire) en l’homme.

Cependant, comme d’autres courants satanistes, mais également de nombreux courants gnostiques, la Chaosophie considère que seule une élite, un petit nombre d’élus possédant la Flamme Noire, pourra accéder à la réintégration dans le Chaos, le reste de l’humanité et de la création étant livré en pâture aux dieux sombres et détruit.

Car face au Démiurge, le Chaos a lui aussi « émané » des puissances, au nombre de 11, destinées à contrer la création : les dieux sombres.

« Du profond des Ténèbres du Chaos Enragé, Satan s’est rebellé et la première émanation émergeant des ténèbres de son âme incréée fut son frère jumeau, Moloch.

 Lorsque Moloch, le gardien de la flamme de l’abîme, a ouvert ses yeux noirs et brillants, un flux de puissance anti-cosmique en a jailli et a créé le troisième dieu anti-cosmique, Belzébuth, et le premier angle du pentagramme brisé.

De Belzébuth, le Seigneur des mouches et le maître de la putréfaction, coula un flux d’énergie anti-cosmique qui créa le quatrième Dieu anti-cosmique, Lucifuge Rofocale, ainsi que les deuxième et troisième angles du pentagramme brisé.

Un flux d’énergie a ensuite jailli de Lucifuge Rofocale, le destructeur de la lumière cosmique et donné naissance au cinquième dieu anti-cosmique : Astaroth.

Etc.  ».

Plus loin :

« Les puissances anti-cosmiques qui luttent contre la tyrannie de l’ordre cosmique, dont les forces sont au nombre de 10, peuvent être décrites comme 11 forces démoniaques distinctes qui, chacune dans leur domaine, contrecarrent les puissances cosmiques, qui ont toujours été faibles. Le nom Azerate réunit les 11 forces anti-cosmiques du Chaos pour former le Dragon Noir à onze têtes, dont les forces de désagrégation sont plus concentrées et plus puissantes. Une fois devenues le dragon à onze têtes, Azerate, ces puissances, en joignant ainsi leurs efforts peuvent déverrouiller les portes et forcer leur chemin à travers les obstacles cosmiques ».

Dans le nom lui-même est encodée la formule numérique 218, c’est-à-dire 2 +1 +8 = 11. Un chiffre significatif, puisqu’il renvoie à la séphirah Daath, parfois considérée comme la porte de l’abîme, et s’oppose au chiffre 10 symbolisant la création – les dix séphiroth.

L’opposition entre « causal » et « acausal » qui sert de dialectique de base au Satanisme Anticosmique vient en ligne droite de l’Ordre des Neuf Angles. Dans l’O9A, il est dit que l’univers se compose d’un continuum causal  et d’un continuum a-causal, ainsi que d’êtres vivants peuplant ces deux univers. Mais tandis que l’univers causal (ou phénoménal ou physique) peut être décrit par trois dimensions spatiales et une dimension temporelle, l’univers a-causal échappe à ces restrictions. Il est l’univers et l’habitat des « dieux sombres », mais également la source de l’énergie qui anime toute vie dans le continuum causal.

Cette dialectique est reprise dans le Liber Azerate, où l’on retrouve notre cosmos imparfait des gnostiques appelé « plan causal », car soumis à des lois de cause à effet, limité par l’espace et par le temps. Ce cosmos est séparé du véritable Dieu, appelé ici Chaos ou « plan acausal », ne connaissant ni loi ni limite, et abordé avec toutes les précautions de théologie négative qui s’imposent :

« Le Chaos est le plan pan-dimensionnel, possédant une infinité de temps et de dimensions spatiales, contrairement au cosmos qui n’est doté que de trois dimensions spatiales et d’une dimension temporelle.

Le cosmos est causal, c’est-à-dire qu’il est déterminé par la loi de cause à effet, alors que le Chaos est totalement acausal (au-delà de la causalité) et libre de toute restriction.

Le Chaos a toujours été le Chaos. Il est à la fois tout et rien.

Le Chaos est la seule véritable liberté et l’essence au-delà de toutes les formes.

C’est le néant absolu, le néant que nul ne peut pas imaginer.

En regardant dans l’abîme du Soi, nous pouvons trouver les portes qui conduisent au Chaos ».

Venant également du Gnosticisme, est postulée l’existence de sept archontes / éons, mais comme de l’eau a entre-temps coulé sous les ponts, ces éons ne sont plus des planètes qui bloquent l’espace céleste et président aux destinées humaines, mais des périodes de temps et des paradigmes :

« Dans les doctrines ésotériques, un éon désigne une force / une énergie spirituelle qui, durant une période d’au moins deux mille ans, imprègne, transforme et contrôle le plan de la causalité. Chaque éon a son printemps, son été, son automne et sa période hivernale […]. Durant sa période hivernale, l’éon décline, ce qui induit des luttes, des résistances, puis l’écroulement et l’anéantissement de l’ordre éonique dominant. Un nouvel éon prendra à son tour le pouvoir. Chaque éon a ses propres formes d’expression magiques, religieuses, philosophiques, politiques, artistiques et “morales” […]. C’est au travers de ces formes que chaque éon manifeste son essence cosmique sur le plan causal, et donc affecte et vampirise la conscience humaine.

Dans le gnosticisme du Chaos, les éons sont généralement décrits comme étant au nombre de sept, constituant différents aspects du Démiurge et fréquemment symbolisés par les sept sphères planétaires. Ces sept éons sont généralement appelés “archontes”, ce qui signifie “dirigeants”, et leur est attribuée la fonction, au travers des sept cercles qui entourent la création, de garder l’esprit humain emprisonné dans la prison cosmique.

Afin de dépasser la domination des éons, affaiblissante pour l’âme, le magicien doit renforcer sa Flamme Noire intérieure et apprendre à voir, par les yeux du Dragon, au-delà des formes illusoires des archontes ».

Pour se libérer du « plan causal » afin de retourner gazouiller dans le Grand Tout, le MLO préconise la technique du pic-vert. Chacun sa petite aiguille et on va s’efforcer de faire des trous de rat dans la cloche à fromage, en espérant qu’elle ait le bon goût de céder. C’est l’une des originalités de ce mouvement que de recycler les contenus classiques du côté obscur en kérosène pour faire exploser le cosmos ou, pour le dire autrement : le projet consiste à injecter un maximum d’acausal dans le causal en espérant qu’au bout d’un moment, les plombs disjonctent.

En instrumentalisant ainsi les systèmes de croyances, les membres du MLO se révèlent foncièrement modernes et vaguement parents des adeptes de la Chaos Magic, n’hésitant pas à mélanger Satan, Lucifer, Choronzon, etc. et à piller le potager des voisins – l’Atazoth de l’ONA, etc. selon ce principe que :

«Ces formes spirituelles, philosophiques et magiques ne sont que des outils et des instruments externes destinés à fédérer l’Ordre, ouvrir des canaux et stimuler l’essence acausale, c’est-à-dire le Chaos se trouvant au-delà de toutes les formes de causalité. Ces matrices (la mythologie, l’idéologie, les rituels, les symboles) sont, dans le travail du MLO, chargées d’un sens complètement inhabituel et sont abordées de telle manière qu’elles dessinent une antithèse aux formes actuelles de l’ésotérisme – les moules cosmiques et non dynamiques du “satanisme” classiques ».

La Chaos Magic nous a appris que Dieu était recyclable. Le MLO complète en précisant que Satan aussi, une démarche qui a le mérite de donner tout son sens à l’expression « mise en abîme ».

Une belle liberté d’action que semble avoir oubliée la génération suivante, puisque désormais les Chaosophes sont invités à suivre ce qui ressemble drôlement à un cursus. Il est vrai que le Liber Azerate insistait déjà sur la nécessaire discipline et obéissance préalables à la libération, mais comme c’était en suédois, on pouvait faire semblant de ne pas avoir compris.

 L’ouvrage alterne théorie et pratique, propose un certain nombre de prières et de rituels, notamment un rituel d’auto-initiation, les armes magiques et les symboles du courant, des techniques de magie sexuelle, des sceaux, une présentation des sentiers qliphotiques, une cosmogonie de type gnostique, etc.

Extrait du sommaire :

1 – Chaosophie

2 – Litanie Chaosophique

3 – Magie Noire éonique

4 – Le symbole Satanique de la Foi

5 – Le pentagramme ou sceau à dix angles

6 – Les quatre fêtes principales de la tradition satanique

7 – Les Quatre Trônes Noirs et les Quatre Tours du Chaos

8 – Les Cinq Armes Magiques

9 – Les cinq étapes de l’Alchimie Satanique

10 – Le Tétraèdre

11 – Les Sphères Qliphothiques

12 – Les Qliphoth Secondaires

13 – Les Onze Angles

14 – La Bête Enchaînée

Les jeux de renversement typiques du satanisme peuvent prêter à confusion, mais quelques réajustements suffisent. Par exemple, dans le MLO, on veut sympathiser avec le Dragon, un symbole qui, dans la Pistis Sophia, incarne la fortification séparant le cosmos de Dieu : « Les ténèbres extérieures sont un grand dragon, dont la queue est dans sa gueule ; elles sont au-delà du monde et elles entourent le monde entier ». À l’inverse, dans le MLO, le Dragon est salvateur et représente l’image extérieure de la Flamme Noire interne ou du Chaos lui-même, notamment au travers des figures de Tiamat et Tanin’iver.

Comme symbole, la Chaosophie a adopté l’hendécagone – le polygone régulier à onze angles, et le Pentagramme brisé comportant également 11 angles et représentant la domination de la Flamme Noire sur les Eléments.

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NOTES :

[1] Suédois : Själv. Anglais : True Self.

*

Liber azerate : Det vredgade kaosets bok

Frater Nemidial

Anti-cosmic productions, 2002.

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