Falcifer – Seigneur des Ténèbres (4)

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Falcifer – Seigneur des Ténèbres

(Deofel Quartet, Volume I) Anton Long

Order of Nine Angles

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Première publication : 1976 e.n.

Version corrigée (v.1.01) 119 année de Fayen

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CHAPITRE VII

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Susan, bien entendu correctement préparée, l’avait conduit directement à la maison de Fitten. C’était une modeste demeure, en bordure d’une rue tranquille aux abords de la ville ; un chien courut vers eux en aboyant, comme ils se dirigeaient vers la porte. Susan regarda le chien qui gémit et s’éloigna.

Conrad frappa fort à la porte, comme un policier l’aurait fait. Fitten, qui ne portait visiblement pas de cicatrices de son calvaire entre les mains de Gedor, les accueillit chaleureusement.

« Entrez ! dit-il, je vous en prie, entrez ! Je savais que vous viendriez ! C’était prévu ! »

Il les conduisit dans une pièce encombrée de livres et faiblement éclairée, mais réchauffée par un âtre.

« Installez-vous, je vous en prie ! » Il était enthousiaste : « J’ai beaucoup de choses à vous dire ! »

« Voici Susan », dit Conrad.

« Oui, oui ! Comment vous êtes-vous échappés ? »

« Échappés ? », demanda Conrad.

« De la maison des satanistes ? » Vous étiez là-bas, hier. »

« Oh, eux. Ils semblaient très pressés, mentit Conrad, de me laisser partir après votre visite. L’un d’eux a mentionné quelque chose à propos d’une attaque magique. Peut-être ont-ils pensé que je serai un fardeau pour eux dans cette histoire ».

« Vous l’êtes ! Vous l’êtes, mon fils ! »

Conrad grimaça.

« Avez-vous lu les livres que je vous ai donnés ? », demanda Fitten.

« Ils les ont détruits. »

« Ah ! Ils sont le mal, le mal incarné ! »

« Mais qui sont-ils ? »

« Vous ne le savez pas ? » Fitten avait l’air étonné.

« Non. Je devrais ? »

« Peut-être pas. Ça n’a pas d’importance. Vous êtes ici, maintenant, voilà ce qui est important. »

« Je l’espère, déclara Conrad et il soupira, si quelqu’un pouvait me dire à quoi rime tout cela. J’ai été invité à cette fête dans cette maison et j’ai rencontré un tas de personnages étranges. Ensuite, vous arrivez et vous êtes jeté dehors. Puis l’un d’eux m’a montré ce temple qu’ils utilisent. Je suis un peu dépassé, là… »

« Ils ont besoin d’un opfer, voyez-vous, pour leur messe. Pas une messe noire… Non, quelque chose de bien pire, quelque chose de plus vil et de plus sinistre. Vous avez toutes les qualités, tout ce dont ils avaient besoin. Ils le savaient, après que vous ayez assisté à cette réunion du Cercle d’Arcadia. Ils savent. Ils ont des espions — des agents — infiltrés dans la plupart des groupes. »

Une jeune femme mince apparut à la porte de la chambre : « Voulez-vous un peu de thé, mon chéri ? », demanda-t-elle à son mari plus âgé.

« Comment ? », dit Fitten.

« Du thé. Est-ce que vous en voulez ? » Elle rendit innocemment son sourire à Conrad.

« Pourquoi pas. Pourquoi pas, en effet ».

Elle s’éloigna. Conrad reprit : « Vous avez dit qu’ils avaient besoin d’un opfer — un sacrifice ».

« J’ai dit ça ? Oui, tout à fait. Ils avaient besoin — et ont encore besoin — de quelqu’un de jeune. Ils ont une tradition, voyez-vous, consistant à sacrifier un jeune homme âgé de vingt et un ans. Mais seulement pour ce rituel important. La date de ce rituel approche. Ils en tireront du pouvoir. Pas seulement du pouvoir occulte. Non, une puissance réelle. Ils canalisent les forces magiques, voyez-vous, dans une forme concrète – parfois, une personne, parfois une institution, une entreprise, ou quelque chose comme ça. Une telle utilisation de la Magie est réellement de la Magie Noire, le Mal véritable. Ils ont suscité, ces adorateurs de la plus sombre des puissances sombres, la Révolution française — le sang répandu était un sacrifice, une offrande à leurs dieux lointains et étranges. Ils ont engendré, avec leur Magie, le Troisième Reich maintenant, ils se préparent de nouveau ! » Il essuya la sueur de son front avec sa main.

« Mais pourquoi moi ? », demanda Conrad, en essayant de paraître sérieux.

« Vous étiez une clé pour ouvrir la porte aux puissances, aux puissances obscures de l’Abîme. Leurs rites de Magie Noire auraient bénéficié de ce pouvoir, j’ai demandé de l’aide. »

« Demandé de l’aide ? »

« Un Mage. La Loge Blanche la plus puissante a été alertée. Ils enverront un Mage. »

« Vous ne voulez pas vous en charger vous-même ? », demanda Conrad.

« Moi ? Non, je n’y suis pas autorisé. Un conseil doit être convoqué : tout le Temple-mère doit être invité ».

« Mais si la situation est aussi grave que vous le pensez, Conrad résista à la tentation de sourire, est-ce que vous pouvez vous permettre d’attendre ? Vous devez assurément faire quelque chose vous-même ».

« Eh bien, Fitten soupira, j’ai fait un petit rituel. La nuit dernière. »

« Et cela a fonctionné. Je suis ici. »

« Je suis reconnaissant au Seigneur pour cela. Mais ils pourraient essayer de vous remettre la main dessus – ou trouver un autre opfer. »

Il s’affala dans son fauteuil, pâle et fatigué.

Conrad eut soudain une idée : « Voulez-vous m’excuser un moment, dit-il, je dois aller aux toilettes ».

Fitten ne répondit pas, se contenant de fixer le feu dans l’âtre. Conrad quitta la pièce. Il trouva l’épouse de Fitten dans la cuisine.

« Vous préparez du thé ? », demanda-t-il

« Oui. »

« D’un type spécial ? »

« Non, juste du thé ordinaire. »

« Mon préféré est le Formosa Oolong. »

Il ferma la porte.

« Je ne le savais pas. »

« Il y a un excellent salon de thé dans le centre-ville qui propose une bonne sélection. Peut-être y êtes-vous déjà allée ? »

« Non. », dit-elle et elle se détourna de lui.

« C’est très agréable d’être assis là-bas un soir d’hiver, à regarder les gens passer dans la rue. Vous devriez essayer un jour ».

« Peut-être. »

« Vous avez l’air très fatiguée. », dit-il doucement.

« Ça a été une semaine trépidante. »

« Peut-être avez-vous besoin d’une pause — loin de la maison. »

« Peut-être », dit-elle simplement.

« S’il vous plaît, ne soyez pas offensée, mais pourrais-je vous emmener dîner un soir ? »

« Pardon ? » dit-elle, réellement surprise.

« Vous avez l’air si triste, debout dans cette cuisine », dit-il avec de la bonté dans sa voix.

« Je suis juste fatiguée. »

« Voudriez-vous venir dîner un soir avec moi ? Je connais un sympathique restaurant ».

« C’est très gentil de votre part », dit-elle froidement.

« Je ne suis pas gentil. Je serais très heureux de bénéficier de la compagnie d’une belle femme durant une soirée. Et vous êtes très belle. »

« Je suis une femme mariée ! »

« Et une très belle femme mariée. Quand avez-vous dîné dehors la dernière fois ? »

Il put voir que la question la blessait, même si elle ne répondit pas.

« Est-ce que vous lui manqueriez vraiment pour une soirée ? »

Elle le regarda brièvement, puis baissa les yeux. Il alla vers elle et lui prit la main, la caressant doucement de ses doigts. Elle ferma les yeux et il fut surpris par sa réaction, comme par sa propre confiance en lui. C’était comme s’il était devenu une autre personne. Il se pencha pour l’embrasser, mais elle se dégagea.

« S’il vous plaît, dit-elle », mais elle ne fit aucun geste pour libérer sa main de la sienne.

« Ce soir, vers huit heures ? »

« Je ne sais pas. »

« Je viens vous chercher vers huit heures moins le quart, alors »

« La dame qui est venue avec vous… », demanda-t-elle.

« Ma sœur ? mentit Conrad, je pense qu’elle veut parler à votre mari à propos de la sorcellerie. Je ne peux pas dire que ce sujet m’intéresse, quant à moi. Je suis étudiant en physique actuellement. »

Elle retira finalement sa main de la sienne.

« À l’Université ? »

« Oui »

« Vous la connaissez ? »

« J’ai étudié là-bas », dit-elle timidement.

« Vraiment ? Et qu’avez-vous étudié ? »

« La géologie. »

« J’ai toujours été fasciné par ce sujet. J’espère que vous m’en parlerez — ce soir. »

« Je n’ai pas terminé mon cursus ».

« Pour vous marier ? »

« Non. En fait, pas exactement. »

Elle se détourna pour finir de préparer le thé. Elle lui donna le plateau : « Ça ne vous dérange pas de l’apporter ? »

« Pas du tout ! Ce soir, alors ? »

Elle sourit et tint la porte ouverte pour lui.

« On verra ! », dit-elle.

Au fond du couloir sombre de la maison, il pouvait entendre la voix animée de Fitten.

« Du thé ? » dit-il en entrant dans la pièce chaude.

« M. Fitten, dit Susan, songe à effectuer un rituel ici, ce soir. »

« Oh pourquoi ? »

« Eh bien, continua Susan, j’ai songé que ce serait une bonne idée. Pour frapper maintenant, alors qu’ils ne se sont pas préparés. »

« Je ne sais pas, je ne sais pas ! » dit Fitten en secouant la tête.

« Je lui ai expliqué, dit Susan à Conrad, qu’étant moi-même une sorcière de deuxième grade, je pouvais aider. »

Soudain, Fitten se leva : « Oui ! Nous devons agir, je pense que c’est vrai ! Le moment est venu ! Vous avez raison ! »

« Si cela peut aider, dit Susan, j’ai quelque chose qui vient de la demeure des satanistes. »

Elle fouilla dans son sac à main.

Fitten prit le médaillon en argent gravé d’un pentagramme inversé et du mot « Atazoth ».

« Atazoth. Atazoth » marmonna-t-il, oui, cela conviendrait parfaitement. Parfaitement, en effet. Où l’avez-vous eu ? »

« Conrad l’a trouvé dans la maison. »

« Oui. Je lui ai donné. Tous ces trucs occultes ne m’intéressent pas. Plus jamais. »

« Mais tu es prêt, demanda Susan, à participer à un rituel avec nous ? »

« Bien sûr. Comme je l’ai expliqué à ma sœur, dit-il à Fitten, bien que je ne comprenne pas tout cela, je suis prêt à aider. J’ai confiance en son jugement. »

« Bien bien ! », dit Fitten, « ce soir, vous dites ? », demanda-t-il à Susan.

« Ce serait préférable. Pourriez-vous obtenir de l’aide ? Je vous ai entendu dire que vous aviez beaucoup de contacts. Je vous laisse, bien sûr, décider du type de rituel — puisque vous avez beaucoup plus de connaissances et d’expérience en magie cérémonielle que moi. »

Fitten parut satisfait de la louange de Susan.

« Je dois passer quelques coups de téléphone. »

« Naturellement. Quelle heure suggéreriez-vous ? », demanda Susan.

« Huit heures. L’heure de Saturne ! »

« Sans doute, suggéra Conrad, que le plus tôt serait le mieux. Et si nous commencions maintenant ? »

« Maintenant ? Maintenant ? », Fitten avait l’air étonné.

« Il y a vous, moi, ma sœur — votre femme. »

« Ma femme ? Un rituel tel que nous devons l’accomplir peut être dangereux »

« Mais elle vous a déjà sûrement aidé par le passé ? »

« Bien sûr ! Plusieurs fois, en fait. Mais nous avons besoin de plus de temps pour nous préparer. »

« Mais nous avons le médaillon », suggéra Susan.

« Malgré cela. »

« Est-ce que vous avez l’intention, demanda Susan, d’évoquer cette force pour l’envoyer contre les satanistes ? »

« Oui. Oui, je l’avais pensé en ces termes. Une attaque psychique. Je me souviens du visage de cette femme maléfique ! »

« Quelle femme ? », demanda Conrad.

« Cette mauvaise femme qui était avec vous dans leur maison ! »

« Son nom est Tanith. »

« Je m’en doutais ! Les esprits me parlent, voyez-vous. Le Seigneur est avec nous ! »

Il regarda les deux autres, comme possédé : « Oui ! Nous devons agir maintenant ! »

Puis il se calma de nouveau et parla plus doucement : « Je dois passer quelques coups de téléphone — peut-être certains de mes amis pourront-ils venir rapidement. »

Dès qu’il eut quitté la pièce, Susan demanda : « Vous avez un plan ? »

« En effet ! Il devrait être intéressant ! »

« Vous aimez cela, n’est-ce pas ? », demanda Susan en souriant.

« Oui, je me sens vraiment vivant ! Débordant d’énergie ! »

Fitten ne fut pas absent longtemps : « Trois autres ! », annonça-t-il à son retour, trois personnes ont accepté de venir ! »

« C’est de bon augure, alors », dit Conrad.

« Mon Temple — nous allons les attendre dans mon Temple. »

« Votre femme participera ? »

« Oui, elle sera des nôtres. Venez, je vais vous montrer mon Temple. »

Le Temple était une chambre reconvertie. Il n’y avait pas d’autel, seul un grand cercle dessiné sur le plancher autour duquel se trouvaient inscrits des noms et des signes magiques. IHVH, AHIH, ALIVN and ALH. Le nom Adonaï était le nom le plus proéminent et diverses lettres hébraïques complétaient le schéma. Les murs de la chambre étaient gris et blanc. À l’intérieur du cercle sur le sol, se trouvait une petite table recouverte d’une épée, de plusieurs couteaux, de bougies et de bols d’encens. L’épée et les couteaux étaient gravés d’une écriture que Conrad, grâce à son étude superficielle du sujet au cours de la semaine précédente, reconnut comme étant, dans la tradition kabbalistique cérémonielle, l’écriture magique appelée « Passage de la rivière ».

« Nous devons méditer en attendant les autres », dit Fitten en allumant plusieurs bougies disséminées sur le sol. « Cela nous apportera de bonnes vibrations pour nous aider »

Conrad s’assit sur le sol, à la suite de Suzan. Il ferma les yeux et imagina la pièce emplie de démons et de diablotins. Il s’était presque endormi, quand la femme de Fitten fit entrer le reste des participants, deux hommes plutôt dodus et une femme avec un visage blême et fermé.

« Commençons ! », annonça Fitten de façon dramatique. Il distribua à sa congrégation des robes blanches et en proposa également à Susan et Conrad qui refusèrent.

« Plaçons-nous debout dans le cercle ! », annonça-t-il.

Conrad se plaça délibérément près de l’épouse de Fitten, Susan se trouvant à côté de lui. Fitten pointa le bout de l’épée vers le cercle peint sur le sol.

« Je vous exhorte, cria-t-il, par les noms puissants et saints qui sont écrits dans ce cercle, de nous protéger ! »

Il posa son épée, brandit un morceau de parchemin puis aspergea le sol d’encens : « Que la blanche lumière divine descende parmi nous. Devant moi : Raphaël, derrière moi : Gabriel, à ma droite : Michael, et à ma main gauche : Auriel. Devant moi flamboie le pentagramme et derrière moi l’étoile à six branches de notre Seigneur. Élohim! Élohim Gibor ! Éloath Va-Daath! Adonaï Tzabaoth! Ville de Lumière, ouvre pour nous ta radiance, nous te l’ordonnons à toi et à tes gardiens, par les saints noms — Élohim Tzabaoth! Élohim Tzabaoth! Élohim Tzabaoth! Douze est notre nombre. »

« Douze », répétèrent les autres personnes présentes, à l’exception de Susan et Conrad.

« Ils sont douze, Fitten continua, douze signes du zodiaque »

« Douze signes du zodiaque »

« Douze travaux d’Hercule ».

« Douze travaux d’Hercule ».

« Douze disciples de notre Seigneur ! »

« Douze disciples de notre Seigneur. »

« Douze mois de l’année ! »

« Douze mois de l’année. »

« Adorons, chanta Fitten, le Seigneur et le roi des armées. Tu es saint, Seigneur, toi qui as formé la Nature. Tu es saint, toi le grand et le puissant, le Seigneur de la Lumière et des Ténèbres. Tu es saint, Seigneur par le mot de Paroketh, et par le signe de la déchirure du voile, je déclare le portail des Adeptes ouvert. Écoutez les paroles. Voici les noms — Élohim Tzabaoth ! Élohim ! Tzabaoth ! »

Il se pencha pour griffonner un symbole sur le parchemin, puis le tint, tournant dans le sens du soleil, comme il l’avait déjà fait : « Venez ! », cria-t-il. « Venez à moi ! À moi ! »

Conrad supposa que le symbole était celui d’un démon, extrait de la Petite Clef de Salomon.

« Voici le symbole !, disait Fitten, voici le Saint Nom et mon pouvoir ! EIO ! EIO ! EIO ! Tzabaoth ! Je te commande ! Apparais ! EIO ! Tzabaoth ! »

Les bougies commencèrent à faiblir. Conrad pouvait sentir l’attente des participants. Il vit Susan fermer les yeux. Elle aussi parlait, mais à voix très basse pour que les autres ne puissent pas l’entendre. Il comprit « Agios o Satanas » dans les paroles qu’elle murmurait, mais ne saisit rien de plus.

Puis, une forme vague, indéfinie et presque luminescente apparut dans le coin de la pièce. « Yod He Vau Heh ! » cria Fitten.

Presque immédiatement, Conrad prit la main de l’épouse de Fitten dans la sienne. Elle parut la saisir avec empressement et il recula, plaçant son pied sur le cercle peint. Il pouvait sentir une force le tirant, et il ferma les yeux pour se concentrer, dirigeant la force dans la femme.

Elle cria et tomba sur le sol. Puis elle fut debout, ses cheveux ébouriffés, le visage crispé et presque obscène. Elle leva les mains, les doigts repliés comme des griffes et se mit à marcher lentement vers l’endroit où se tenait Fitten.

Précipitamment, Fitten tenta de brûler le parchemin qu’il tenait dans la flamme de l’une des bougies, mais au lieu de cela, il se brûla les doigts. Sa femme riait et avait déchiré son chemisier pour révéler ses seins.

Tout à coup, comme s’il comprenait ce qui était arrivé, Fitten regarda Conrad et plaça le médaillon que Susan lui avait donné dans la flamme de la bougie. Son épouse s’arrêta soudain, ses mains figées devant elle, ses lèvres retroussées dans un grondement silencieux. Susan saisit le bras de Conrad, et il se retourna pour découvrir son visage déformé par la douleur.

Lorsqu’il vit cela, une force démoniaque se manifesta en Conrad et son corps se raidit, sa volonté poussant la femme de plus en plus près de son mari. Il pouvait sentir la force élémentaire dans la pièce et s’efforça mentalement de la façonner, afin que l’épouse de Fitten saisisse le médaillon. Elle toucha la chaîne, puis le médaillon et ne cria pas lorsque la chaleur de la bougie brûla sa chair, son odeur envahissant la salle obscurcie. Elle le jeta à terre et se tourna pour faire face à son époux, ses mains essayant d’atteindre son cou nu.

Mais, tout à coup, elle s’arrêta. Conrad sentit la présence d’une autre force à l’intérieur des murs de la pièce. C’était une force puissante, opposée à lui, et il vit l’aura de Fitten apparaître, flamboyant vers le haut dans les teintes de rouge et de jaune et formant une boucle sur sa tête, puis s’étirant lentement dans sa direction. La femme de Fitten se retourna et se mit à marcher au rythme de l’allongement de l’aura aux couleurs changeantes vers l’endroit où se tenait Conrad. Il y avait quelque chose que Conrad ne comprenait pas dans tout cela, alors qu’il s’efforçait de repousser la puissance qui avançait vers lui. Puis deux noms lui traversèrent soudainement l’esprit. « Baynes ; Togbare », dit une voix intérieure presque amusée et il se demandait quoi faire lorsqu’il se rappela les dernières paroles de son Maître Aris.

Il tendit sa main gauche pour montrer son anneau à Fitten.

« L’anneau ! Nous devons prendre sa bague ! », cria l’un des disciples de Fitten.

Ils se déplacèrent lentement vers Conrad. Ce fut comme si, en même temps que leur lent déplacement, la lumière aurique de Fitten était aspirée dans la bague. Puis tout le pouvoir magique présent dans la pièce disparut et il put voir Fitten, bouche ouverte, yeux écarquillés, le visage livide. Son épouse s’était de nouveau arrêtée avant de s’effondrer lentement sur le sol.

Lorsqu’ils l’atteignirent, elle était morte.

***

CHAPITRE VIII

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Sinister Tarot, IV. Prince of the Earth. Christos Beest.
Sinister Tarot, IV. Prince of the Earth. Christos Beest.

C’est un Conrad épuisé qui s’endormit dans la voiture de Susan, durant leur voyage de retour jusqu’à la demeure d’Aris. La mort de l’épouse de Fitten avait mis un terme au rituel, et un Fitten dément s’était jeté sur Conrad qui n’avait eu le temps que de lever les bras dans un geste d’autodéfense, avant que Susan ne le frappe, le plongeant dans l’inconscience, en utilisant des techniques d’arts martiaux.

« Allez-vous-en, s’il vous plaît. Partez », avait dit l’un des membres du groupe de Fitten et ils avaient pu quitter les lieux sans encombre.

Le Maître les attendait dans le hall. Il conduisit Conrad jusqu’à la bibliothèque, où un feu de cheminée avait été allumé.

« Je devine qu’il y a eu certaines complications », dit Aris.

« Malheureusement. »

« Dis-moi donc ce qu’il en est ressorti — tout ce dont tu te souviens. »

Conrad raconta l’histoire — la femme de Fitten, comment il envisageait de l’utiliser pendant le rituel. La conjuration kabbalistique réalisée par Fitten. Sa propre rupture du cercle. L’aura et la présence. Enfin, il parla de l’anneau qui avait éloigné la magie adverse.

« Oh, ajouta Conrad, je me rappelle de deux noms. Ils me sont venus à l’esprit, juste avant que je ne me souvienne à propos de la bague. »

« Es-tu certain que c’était avant ? »

« Oui. »

« D’accord, c’est intéressant. Et ces noms ? »

« Baynes et Togbare. »

Conrad crut déceler de la surprise sur le visage d’Aris.

« Vous les connaissez ? » a-t-il demandé.

« J’en ai entendu parler. »

« Sont-ils importants ? »

« Tu as dit que Fitten avait mentionné la Loge Blanche. Sais-tu ce que cela signifie ? »

« Seulement qu’il est censé s’agir d’un groupe d’occultistes qui suivent le chemin de la Main Droite. »

« C’est un terme vague utilisé pour décrire un groupe d’adeptes de cette voie, qui se consacrent à lutter contre les activités de groupes tels que le nôtre. La plupart sont aussi des disciples du Nazaréen. Cette Loge Blanche craint que nous n’utilisions nos pouvoirs contre eux. Certains croient qu’il existe une « Loge Noire » uniquement dans ce but. De la paranoïa, naturellement. »

Il sourit, et la nature sinistre de son apparence à cet instant sembla évidente à Conrad. « Ou du moins, c’en était, au début. »

« Cette Loge Blanche, poursuivit Aris, essaie d’infiltrer les groupes satanistes, les perturber, etc. Ils effectuent des rituels dans ce but, le Conseil de cette Loge — une organisation très secrète — supervise toutes ces activités et son chef actuel est un certain Frater Togbare. »

« Je vois », plaisanta Conrad, nerveusement.

« Alors, peut-être pourrais-tu m’expliquer ce que tu vois. »

« Ce n’est pas Fitten que j’ai combattu vers la fin du rituel, mais cette Loge Blanche. »

« Probablement. »

« Mais comment — comment savaient-ils ? »

« Grâce à Fitten lui-même. Tu as dit qu’il avait affirmé être en contact avec eux, avant le rituel. »

« Oui », Il regarda Aris avec sincérité, « si cette Loge Blanche est si puissante, pourquoi ont-ils laissé mourir son épouse ? »

Aris sourit, et ce ne fut pas un sourire sympathique : « Une fois présent, ce pouvoir doit être utilisé, dirigé. Il a été dissipé, pourrait-on dire, par le décès de cette femme. »

« Ils ne pouvaient pas la sauver ? »

« Oui, ils auraient pu, mais ils étaient mal préparés pour l’anneau. »

« L’anneau ? » Conrad l’examina. Il semblait tout à fait ordinaire à la lumière de la pièce et du feu.

« C’était un lien — entre Susan et toi. »

« Susan ? Je suis désolé, je ne comprends pas. »

« Tu comprendras. »

Le ton semblait exclure toute discussion sur le sujet.

« Mais la mort de cette femme, demanda-t-il, il y aura sûrement des complications — la police ».

« … Ne sera pas impliquée, acheva Aris, la Loge Blanche — ou plutôt les individus qui la composent – sont plutôt influents. Je suis certain que la police conclura à une mort de cause naturelle. »

« Mais j’ai sûrement… – Je veux dire, ce qui est arrivé pendant le rituel – déclenché quelque chose et les autres ne vont probablement pas en rester là. »

« Ce qui est arrivé était un avertissement à leur intention — un prélude. Nous entreprendrons bientôt un rituel auquel tu participeras. Rappelle-toi ce que je t’ai dit à propos de ton Destin. Le temps de son accomplissement est proche. Maintenant, ils connaissent notre force et notre pouvoir, ainsi que je le désirais. »

« Donc, c’était davantage qu’un test pour moi — pour mon Initiation ? »

« Oui ! Tout comme ton Initiation était davantage qu’une simple initiation. Mais tu es fatigué et tu as besoin de nourriture. Va te sustenter à présent. Nous nous reverrons très bientôt. »

Il se dirigea vers une étagère, sortit un livre, l’ouvrit et commença à lire. Conrad quitta la bibliothèque et trouva Susan qui l’attendait dehors.

« Allons-nous manger d’abord ? », lui demanda-t-elle d’un air narquois.

« Comment ? », répondit-il sans comprendre, encore confus après sa discussion avec Aris.

« Quel appétit veux-tu satisfaire en premier ? »

Il sourit ; elle lui prit la main et le conduisit à l’escalier puis à sa chambre. Celle-ci était luxueuse, chaleureuse et vaguement parfumée. Il fut surpris par son empressement, car elle eut bientôt retiré les vêtements de Conrad, puis les siens. Elle se rappela du rituel, son plaisir éphémère à rendre Fitten inconscient, mais surtout de la mort qu’ils avaient provoquée, tandis qu’elle s’efforçait, par Conrad, de satisfaire son désir.

« Je te veux ! », supplia-t-elle presque, elle cria et Conrad dans son inexpérience, la crut. Sa maturité physique grandissait avec la confiance acquise grâce à la magie et il réussit à prolonger son plaisir et le sien. Comblé, il succomba au sommeil, ses bras enlacés autour du corps de Susan. Il était tard dans la nuit lorsqu’il se réveilla. Il était seul.

La soif et la faim le tirèrent du lit. Il s’habilla pour quitter la pièce. La maison était éclairée, mais d’une lumière chaude et tamisée, et il emprunta prudemment les escaliers, dans l’espoir de trouver quelqu’un debout. Le silence l’agaçait un peu. Il resta près de la porte ouverte à la salle à manger durant quelques minutes avant d’entrer.

La table était mise pour une personne. La porte de service oscillait doucement et il était sur le point de la pousser pour jeter un œil dans la cuisine, lorsque la femme de chambre l’ouvrit.

Elle montra le fauteuil. Conrad s’assit docilement à la table. Plusieurs fois, il tenta d’engager la conversation, mais à chaque fois, elle se détourna. Son expression ne se modifia jamais et lorsqu’à deux reprises, il demanda après Susan, la femme se contenta de poursuivre son service, silencieusement et avec efficacité. Il lui fut servi de la soupe, un plat contenant du filet de bœuf. Il était toujours assis, seul, enveloppé dans le silence, rassasié et dégustant un café, lorsqu’il aperçut une lumière dans le jardin, par la fenêtre.

C’était une torche, vacillant dans le lointain. Il put vaguement apercevoir quelqu’un en train de courir.

Intrigué, il éteignit les lumières de la pièce pour observer la silhouette se faufilant vers la maison. La neige était très blanche et, comme l’individu passait à proximité, il reconnut Fitten. Il eut vite fait d’ouvrir la fenêtre.

Conrad grimpa sur le chambranle, surpris par le froid intense à l’extérieur. Fitten dut l’avoir entendu, car il se retourna et projeta la lumière de la torche sur son visage. Puis il cria et courut vers lui : « Vous l’avez tuée ! Démon ! », hurla-t-il.

Fitten avait lancé sa torche en direction de la tête de Conrad, mais celui-ci para le coup alors que l’autre essayait de l’attraper. Ils se retrouvèrent tous deux sur le sol, roulant sur la neige, Fitten essayant de marteler le visage de Conrad avec ses poings. Désespéré, mais déterminé, Conrad lui donna un coup de tête. Étourdi, Fitten roula sur le côté et Conrad était sur le point de se lever pour le saisir, lorsqu’Aris et Guedor, émergeant de la maison, arrivèrent vers eux.

« Comment c’est plaisant ! », dit Aris, « Il est arrivé juste à temps pour se joindre à notre petite fête. Emmène-le ! » ordonna-t-il à Gédor qui obéit, soulevant Fitten facilement.

Ils revenaient vers la maison quand Aris déclara : « Nous avons d’autres hôtes indésirables, je le sens. » Il semblait écouter quelque chose que personne d’autre ne pouvait entendre, puis il se tourna vers Guedor : « Libère-le ! »

Guedor lâcha Fitten dans la neige. Aris se pencha sur lui, serrant son cou dans sa main, en disant d’une voix presque sifflante : « Il est déjà mort ! Laissons le leur s’ils le souhaitent ! »

Il libéra Fitten, qui retomba, étourdi.

Alors qu’Aris disparaissait dans l’ombre des arbres bordant la maison, deux hommes apparurent, marchant sur la neige, venant de l’avant de la demeure.

« Je suis désolé pour cette intrusion, dit le plus grand d’entre eux à Conrad, mais nous sommes venus pour lui. »

« Qu’est-ce que vous voulez ? » Conrad demanda agressivement.

« Mon nom est Baynes. », dit le grand homme.

« Baynes ? », répéta Conrad, puis il se souvint.

« Oui, en ce qui concerne M. Fitten… »

« Vous n’êtes pas le bienvenu ici », dit Conrad.

« Ce n’est pas une surprise. Nous sommes venus pour ramener M. Fitten chez lui. Je crains que la mort récente de sa femme ne l’ait perturbé. »

Fitten s’était relevé, il gardait la tête baissée et semblait pleurer.

« Prenez-le », dit Conrad.

« Je vous remercie, M. Robury. »

Conrad fut surpris par l’utilisation de son nom. « Allez-vous-en maintenant, dit-il, c’est une propriété privée. »

« Cet endroit et cette attitude, dit Baynes doucement, ne vous conviennent pas. Vous pouvez, quand vous le désirez, venir parler avec moi. »

Conrad commença à se mettre en colère : « Barrez-vous d’ici ! »

« Vous ne réalisez pas ce qui vous arrive, n’est-ce pas ? »

« Guedor », dit Conrad en désignant Baynes.

Il fut à moitié surpris lorsque Guedor, lui obéissant, avança de façon menaçante.

« Nous allons prendre congé », dit Baynes, tenant le bras de Fitten.

Conrad les regarda partir. Quelqu’un marchait vers lui ; il se retourna et vit Susan.

« Notre rituel va bientôt commencer, dit-elle, viens, je dois te préparer — car l’accomplissement de ton destin est proche. »

Le temps qu’ils atteignent la salle de libation, à côté du temple caché, avec sa piscine en contrebas, sa colère l’avait quitté. Il resta à regarder Susan comme elle se déshabillait pour se baigner. Ce qu’il vit l’excita, tandis qu’à proximité, dans le Temple, il pouvait entendre que le chant satanique avait commencé.

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