Théorie de l’invocation [2]

Ces passages sont des extraits du chapitre 25 de l’ouvrage La Chaos Magic Pratique – Manipulation de la réalité par le courant Ovayki, d’Andrei Vitimus, à paraître durant l’été 2018 aux éditions de l’Alliance Magique.

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Schéma général :

La conversation initiale avec l’entité est probablement la partie la plus délicate de l’invocation, car la connexion n’est pas encore établie. Mais après ce premier échange, votre esprit en conserve la trace. Au chapitre XXI, nous avons vu de nombreuses techniques permettant de travailler avec le souvenir d’une expérience réussie. Autrement dit, vous pourrez exploiter rapidement et efficacement ce « premier rendez-vous », même si cela sonne un peu comme un flirt.

Il existe un schéma général pour accomplir une invocation : 1/ Vous devez vider son esprit. 2/ Vous devez énoncer (ou vous concentrer sur) votre intention. 3/ Vous devez atteindre un état de transe suffisamment profond pour cesser de vous demander si une entité est présente ou non. 4/ Vous devez entrer en résonance et vous concentrer uniquement sur l’entité, en imaginant qu’il y a de moins en moins de « différences » entre vous, et poursuivre jusqu’à ce que la magie fasse ce qu’elle doit faire. 5/ Le contact avec l’entité est rompu grâce à un bannissement.

Ce cadre simple sous-tend probablement tout processus invocatoire et, plus la relation entre le magicien et l’entité est forte (ce qui implique un lien plus intense), plus il devient facile de l’appeler au premier plan de sa psyché, la résistance interne tendant à s’affaiblir. Avec certaines entités, avec lesquelles j’ai noué une relation étroite, je parviens à glisser confortablement, en quelques minutes, dans un état invocatoire, sans l’aide de formules, de sceaux, ni de rituel. Cela dit, les mantras, les sceaux, etc. sont des béquilles extrêmement utiles, surtout lorsqu’on débute.

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Exemples pratiques : Invoquer à la troisième  à la deuxième puis à la première personne

Un moyen simple pour accomplir une invocation est d’aborder l’entité depuis différentes perspectives, de la plus détachée à la plus impliquée. Lorsque nous avons décidé d’entamer la relation par une conversation, nous sommes restés dans le cadre de l’adresse à la deuxième personne (le « tu » ou le « vous »).

La première étape sera la même que pour la méthode du dialogue : essayez de penser à l’entité en termes de « souvenirs » ou de sensations que vous pouvez reproduire, celles-ci devenant de plus en plus en plus envahissantes.

1/ Il faut généralement commencer par rappeler ce que l’entité a accompli d’admirable, d’une manière respectueuse et pleine de gratitude, en utilisant la troisième personne. Durant cette phase, vous devez visualiser l’entité qui se tient loin de vous, peut-être à l’horizon.

Par exemple, prenons Loki — bien sûr, il s’agira mon interprétation personnelle de Loki -. Commencez par effectuer un bannissement, puis indiquez votre intention (qui, pour Loki, pourrait être de ne pas se prendre trop au sérieux). Ensuite, vous pourriez dire quelque chose dans ce goût :

« Loki, le plus grand des tricksters peut tromper tous les dieux. Il a engendré le grand serpent, le coursier d’Odin, et le loup Fenris. Il est un ami et un ennemi pour Thor. Il a permis à Baldr de descendre aux Enfers. Il est celui qui fait tourner la roue du temps, celui qui fait tourner les Éons ».

Continuez, en mentionnant ce que Loki a fait de plus glorieux et positif. Ceux qui connaissent Loki et l’apprécient peuvent choisir de donner à cette déclamation un ton humoristique. Vous devez ensuite faire remonter des souvenirs et des sensations associées, pour vous, au personnage de Loki, tout en visualisant la représentation que vous vous faites de ce dieu. Diverses méthodes de transe sont alors possibles – comme la posture de la mort, la danse, etc.

2/ Intervient alors le premier changement de personne : il s’agit désormais de s’adresser à l’entité (ou à l’esprit, au dieu, etc.), en remplaçant les pronoms à la troisième personne par « tu » ou « vous ». Vous pouvez visualiser l’entité qui marche à côté de vous et l’aborder, comme si vous entamiez une discussion. Votre transe doit être de plus en plus profonde et les sensations et souvenirs associés à Loki doivent vous submerger. Vous pourriez dire, par exemple :

« Loki, toi le plus grand des tricksters qui peux tromper tous les dieux. Tu as engendré le grand serpent, le coursier d’Odin, et le loup Fenris. Tu es un ami et un ennemi pour Thor. Tu as permis à Baldr de descendre aux Enfers. Tu es celui qui fait tourner la roue du temps, celui qui fait tourner les Éons ».

À ce stade, vous pouvez converser avec l’entité comme nous l’avons déjà vu auparavant, mais vous devez rester dans un état second, jusqu’à ce que les sensations aient complètement débordé votre esprit conscient (ce qui implique une transe de plus en plus profonde). Vous devez être capables de voir, entendre, et même sentir Loki à vos côtés. Habituellement, j’imagine que je peux sentir son souffle courir sur mon corps.

3/ À présent, visualisez l’entité qui entre en vous et partage l’espace que vous occupez physiquement. Imaginez que vous fusionnez. Voyez et sentez que vous vous transformez, jusqu’à devenir ce que vous invoquez. À présent, vous pouvez passer au discours à la première personne, et parler comme le ferait l’entité elle-même. Par exemple :

« Moi, Loki, le plus grand des tricksters, je peux tromper tous les dieux. J’ai engendré le grand serpent, le coursier d’Odin, et le loup Fenris. Je suis un ami et un ennemi pour Thor. J’ai permis à Baldr de descendre aux Enfers. Je suis celui qui fait tourner la roue du temps, celui qui fait tourner les Éons ».

À cette étape, il pourra vous être de plus en plus difficile de trouver les mots, votre esprit se déplaçant vers une conscience radicalement étrangère. Et c’est parfait. Si vous êtes dans un tel état de transe que vous ne parvenez plus à trouver les bons mots (ou même les mots tout court), vous êtes dans la bonne disposition d’esprit pour l’invocation. Il peut être utile de répéter souvent « Je suis [nom de l’entité] », puisque vous remplacez votre « je » par un « je » différent.

Vous pouvez, bien entendu, utiliser la même technique avec des anges ou des dieux « bénéfiques » pour commencer, si vous préférez, mais je vous garantis que Loki est « intéressant ».

Accélérer le processus en utilisant la danse est l’une des étapes psychologiques permettant d’entrer dans un état de possession vaudoue. En ce qui me concerne, je trouve que le calme et le silence sont plus efficaces pour travailler avec les puissances angéliques. Mais cela fonctionnera sûrement différemment pour vous.

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Les outils et l’invocation :

Si vous avez déjà lu des grimoires et des ouvrages sur la magie (et si vous ne l’avez pas fait, j’espère bien que vous le ferez), vous avez dû noter que des outils et de longues incantations étaient fréquemment utilisés dans le cadre de l’invocation. Dans le chamanisme, ces outils sont souvent utilisés comme des liens vers le monde des esprits et les états de transe. Le vaudou emploie, par exemple, un hochet pour appeler les mistes dans un prêtre ou une prêtresse. Or, au chapitre XII, j’ai dit que tout pouvait servir de lien avec une source d’énergie, même un sentiment ou une humeur. La même chose peut être faite pour faciliter le processus d’invocation. Pourquoi, alors, utiliser des outils si nous pouvons nous connecter directement à une entité ? Au début, l’utilisation d’outils ajoute à l’édification symbolique, la conviction que « quelque chose se passe », ce qui aide à déclencher l’invocation. De surcroît, d’un point de vue énergétique, il est possible de charger des outils (nous l’avons fait précédemment). Cette technique est beaucoup plus utile dans l’évocation que dans l’invocation, comme nous le verrons, mais un outil chargé, en résonance avec une entité particulière, rendra la connexion plus facile, surtout s’il s’agit d’un premier contact. L’utilisation d’outils dans cette perspective crée, par ailleurs, une certaine distance entre le magicien et l’entité. Autrement dit, c’est un moyen de vous conditionner, afin d’autoriser une invocation, mais également de la circonscrire.

Une fois que vous avez conversé avec l’entité, ou échangé d’une façon ou d’une autre, demandez-lui de vous indiquer un outil pouvant faire office de lien avec elle. Certains semblent plus efficaces que d’autres pour travailler avec une entité particulière, mais vous pouvez certainement contourner ce problème et rendre efficaces des objets a priori moins appropriés. Avoir une conversation avec une entité est un moyen fantastique d’obtenir des idées. Celle-ci doit « créer » l’outil à partir de ce qui se trouve déjà dans votre tête. Essayez par vous-mêmes. Après avoir parlé avec l’entité, efforcez-vous de fabriquer un outil en ligne avec la « logique » qu’elle vous a communiquée, puis un qui ne semble pas vraiment correspondre à cette logique.

Quand une entité vous parle, elle doit le faire par le biais de votre subconscient, ou du moins d’une façon filtrée par votre subconscient. Cette information doit ensuite être interprétée par votre esprit conscient, via les cinq sens, afin de pouvoir rassembler de quoi fabriquer votre futur outil. Celui-ci pourra très bien ne fonctionner que pour vous. Il constituera, d’une certaine manière, une clé personnelle pour travailler avec l’entité. Et si vous étudiez l’esprit uniquement après avoir pris contact avec lui, vous constaterez souvent une « étrange » parenté entre votre outil et des objets décrits dans la mythologie ou des techniques utilisées par d’autres personnes.

Si vous travaillez avec une entité bien connue dans le monde occulte, votre recherche vous indiquera probablement de nombreux artefacts que vous pouvez utiliser. Au début, vous pourriez questionner l’intérêt de garder une certaine distance avec un esprit. Mais souvenez-vous, nous avons ouvert notre discussion par « tous les esprits peuvent mentir et le font » ; même ceux qui ne sont que des parties de vous-même peuvent mentir. Une relation intime avec une entité implique que vous puissiez facilement l’invoquer et qu’elle possède une forte influence sur votre subconscient, et éventuellement sur vos actes, ce qui peut être une bonne ou une mauvaise chose (suivant l’entité et suivant ce dont vous avez besoin à un moment de votre vie). Cependant, même un esprit « positif » pourrait avoir des projets personnels « contre-productifs » pour votre bien-être. Une bonne métaphore pour cela est le chocolat. Beaucoup de gens aiment le chocolat, mais manger trop de chocolat peut vous rendre gravement malade. Et bien sûr, il y a certaines choses que vous désirerez probablement invoquer, sans pour autant entretenir une connexion permanente. Certaines personnes considèrent qu’être possédé par Nyarlathotep ou une autre entité du mythe de Cthulhu est une façon amusante de passer un samedi soir, mais il y a de bonnes chances que vous ne vouliez pas vivre tout le temps avec cette entité dans votre tête.

Le plus grand danger de l’invocation est qu’il est vite fait d’être obsédé par l’esprit. Les entités peuvent vous promettre le monde, mais le livrer est une tout autre affaire. Nous développerons ce point dans le prochain chapitre. Dans ce cas, circonscrire l’invocation à l’aide d’un ou des outils est un moyen de la rendre plus sûre. Une façon simple de vous conditionner est de tenir en main un artefact particulier chaque fois que vous invoquez ou dialoguez avec une entité ou un concept. Lorsque vous désirez travailler avec cette entité, tout en conservant une distance de sécurité, utilisez cet outil comme condition préalable au travail magique. Répétez-vous que sans cet outil, vous ne pouvez pas invoquer l’entité. C’est un choix qui impose une contrainte, mais qui peut être une bonne option. Dans les grimoires médiévaux où les magiciens ont clairement peur de ce qu’ils invoquent, la façon d’utiliser les outils et la nécessité de les posséder sont clairement énoncées, de manière à donner l’impression que les rituels ne fonctionneront pas sans eux. Ce genre d’impératif révèle l’intelligence et le sens de la psychologie des grimoires, certains être présentés dans ces ouvrages pouvant être vampiriques.

Séparer clairement « c’est un rituel » et « ceci n’est pas un rituel » est un bon moyen de créer un garde-fou. Personnellement, j’ai accompli des rites goétiques — c’est-dire l’invocation d’esprits démoniaques — sans les outils requis. Les esprits viennent. Cependant, la présence d’outils, leurs particularités et la difficulté à accomplir les rituels, participent à la création d’un contexte distinct de la réalité normale. Se conditionner à cela rend la magie « plus sûre », bien que cette contrainte limite la quantité d’information et l’intensité de la connexion. Vous pourriez donc, finalement, choisir de ne pas vous imposer cette barrière, mais est-il sage de se connecter intensément à un esprit potentiellement hostile ? Les outils que vous avez développés vous permettent de créer cet « espace spécial » et de vous déconditionner mentalement des obstacles faisant barrage au succès magique.

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Finalement, pourquoi invoquer des entités ?

Étant donné que nous pouvons appeler directement des humeurs et des sensations pour pratiquer la magie, on peut légitimement se demander : pourquoi devrions-nous invoquer des entités ? C’est une question à laquelle vous devrez répondre par vous-même. Vous aurez remarqué que cette thématique n’est abordée qu’au chapitre XXX de ce livre et que la plupart des techniques que nous avons vues peuvent être utilisées pour un travail de sorcellerie « direct ». Fut un temps où j’aurais dit que manipuler l’énergie dans une optique sorcière était tout ce dont le magicien avait besoin et qu’échanger avec une entité susceptible de vous mentir n’en valait pas la peine. Je comprends très bien qu’on puisse arriver à cette conclusion, mais j’ai changé de point de vue là-dessus.

Je tiens à préciser, de nouveau, que je définis un esprit ou une entité comme étant tout ce qui est, sera ou peut-être appréhendé comme une forme avec laquelle il est possible de communiquer. Cela signifie fondamentalement que tout peut être invoqué et amené au premier plan de la psyché. Nous reviendrons souvent sur cette idée.  De mon point de vue, de celui de la plupart des psychologues et d’auteurs tels que Ramsey Dukes, nous sommes des êtres sociaux. La plus grande partie du processus d’apprentissage, de l’évolution et même la croissance physique d’un être humain semblent provenir de l’interaction entre des personnes. La majorité du cerveau est configurée pour gérer les circuits de communication et la neurologie nous enseigne que nous utilisons davantage de nos ressources intégrées lorsque nous communiquons avec quelque chose.

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Même une entité intérieure, par exemple une partie de soi-même, est susceptible de fournir un éclairage inédit sur un problème. Et si des entités autonomes existent, leur invocation apportera très certainement une perspective radicalement différente et donc de nombreuses informations supplémentaires, comme si vous regardiez la scène sous un angle différent. Souvenez-vous de la parabole des aveugles palpant un éléphant. Chacun décrit un petit morceau de l’éléphant en touchant une partie différente. Mais aucun ne peut voir ni imaginer l’éléphant entier.

Lorsqu’elles sont considérées comme des sources d’informations / d’énergie extérieures, les entités, en particulier celles qui ont souvent travaillé avec des humains, disposent de connaissances auxquelles vous ne pourriez peut-être pas accéder sans leur aide. En ce qui me concerne, j’ai appris un grand nombre d’opérations magiques grâce à elles. Que ces êtres existent de façon autonome ou soient des élaborations de nos esprits est une question largement hors de propos. Et quoi qu’il en soit, l’invocation et la communication avec les entités spirituelles a toujours donné de bons résultats pour moi. Or, les résultats constituent le test décisif ultime pour la poursuite des travaux. Dans le chapitre suivant, nous parlerons des techniques avancées en matière d’invocation et de la bonne façon d’annuler les effets d’une invocation qui a mal tourné.

Extrait de La Chaos Magic Pratique – Manipulation de la réalité par le courant Ovayki, Andrei Vitimus, à paraître en mars 2018 aux éditions de l’Alliance Magique. Traduction française par Soror DS.

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