Falcifer – Seigneur des Ténèbres (5)

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Falcifer – Seigneur des Ténèbres

(Deofel Quartet, Volume I) Anton Long

Order of Nine Angles

Première publication : 1976 e.n.

Version corrigée (v.1.01) 119 année de Fayen

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CHAPITRE IX

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Une seule fois, Conrad pensa à la mort de la femme de Fitten; mais il ne s’en préoccupait pas. Il avait connu et ressenti la joie pure de la vie, l’exaltation, l’extase bienheureuse de vivre absolument sans programme défini et presque sans pensée. Il y avait une exubérance en lui, qu’il sentait se transformer en besoin.

Il avait davantage subi que décidé de ces événements, mais était habité par la puissante conviction de sa propre importance, la certitude que la vie l’avait choisi pour quelque chose, et il s’était laissé porter avec émerveillement et finalement peu de crainte. Son existence, depuis que la lumière l’avait baigné durant le rite wiccan, s’était améliorée. Est-ce qu’il ressentait, pensa-t-il brièvement, cette extase que les guerriers trouvaient dans la guerre et qu’ils recherchaient encore et encore ? Ce bonheur de se sentir si près de l’oubli qu’il y avait de la joie pure dans les moments ordinaires de l’existence ? Était-ce, se demandait-il, le vrai sens du satanisme ?

Il ignorait, sans s’en soucier particulièrement, à quel point la magie l’avait changé et il suivit Susan, descendant les marches du Temple avec une impatience fébrile, fier du tabard qui l’avait attendu près du bassin de libation et fier d’avoir physiquement possédé Susan, la belle prêtresse satanique.

Près de l’autel sur lequel Tanith était nue, un tétraèdre de cristal ajoutait son rayonnement à la lumière des bougies. La congrégation était rassemblée autour de l’autel et leur maître se tenait tout près, tenant l’effigie de cire qui avait été posée sur la matrice de Tanith.

« Moi qui t’ai donné naissance, à présent je te nomme… », dit-il. Conrad ne put pas entendre le nom qu’Aris prononça, puis bénit avec le signe du pentagramme inversé.

Susan prit l’effigie et l’habilla, pendant que le Maître levait les bras.

« Je descendrai vers les autels de l’enfer », dit-il.

« Vers Satan, qui donne la vie », répondit la congrégation.

Conrad se tenait au sein de leur cercle, élevant la voix durant les prières qui suivirent. Il connaissait le Notre Père et le Credo satanistes par cœur.

Aris commença entama le chant suivant, « Agios o Satanas ! », ce fut alors que Conrad remarqua le petit cercueil à côté de l’autel, ainsi qu’un linceul noir, prêt. Le chant se poursuivit, tandis que Susan assistait Tanith près de l’autel, avant de se vêtir d’une robe pourpre.

« Nous, dit Tanith à l’assemblée, maudissons Paul Fitten. »

« Nous maudissons Paul Fitten. »

« Il se tordra de souffrance, dit-elle avec joie, et périra ! »

« Il se tordra de souffrance et périra ! »

« Anéanti par notre malédiction ! »

« Anéanti par notre malédiction ! »

« Nous allons le tuer », dit-elle en riant.

« Nous allons le tuer », répétèrent Susan, Aris, Conrad et le reste de l’assemblée en riant.

Dans l’ombre, quelqu’un commença à jouer du tambourin, capturant le rythme du chant.

« Nous nous glorifierons de sa mort ! », déclara Tanith, en tant que Maîtresse de la Terre.

« Nous nous glorifierons de sa mort ! »

Tanith fit des passes avec ses mains sur l’effigie, chantant comme elle l’avait déjà fait, avant de la brandir devant les fidèles rassemblés autour d’elle.

« La Terre le rejette ! », dit-elle.

« Vous le rejetez ! », lui fut-il répondu.

« Moi qui t’ai donné naissance, maintenant je te couche dans la mort ! » Elle plaça l’effigie dans le cercueil, posa le couvercle et l’enveloppa dans le linceul.

« Il est mort ! », dit-elle.

« Il est mort ! Maudit par nous ! anéanti ! ».

Lentement, Susan entreprit de conduire la danse et le chant : « Dies irae, dies illa, solvet saeclum in favilla teste Satan cum sibylla. Quantos tremor est futurus quando Vindex est venturus, cuncta stricte discussurus. Dies irae, dies illa! »

Le chant parut étrange à Conrad, presque surnaturel, mais il l’apprit rapidement en chantant et dansant avec les autres, dans le sens contrasolaire autour de l’autel. La danse et le chant accéléraient à chaque tour et il fut presque heureux lorsque Susan l’éloigna.

Elle ne dit rien, mais l’entraîna avec elle sur le sol, tandis que Tanith se tenait debout au-dessus d’eux, disant : « Frates, ut meum vestrum sacrificium acceptabile fiat apud Satanas ! »

Susan l’embrassa alors qu’ils étaient étendus sur le sol du Temple et Tanith s’agenouilla près d’eux pour caresser les fesses et le dos de Conrad.

Avec l’excitation du rituel et les caresses de Tanith, la tâche de Conrad fut bientôt terminée, et il resta couché sur Susan, momentanément épuisé par son extase. Il ne résista pas lorsque Tanith le retourna et le regarda ; le chant et la danse se poursuivaient autour d’eux, et la lumière pulsait au rythme du tambour, tandis que Tanith enfouissait sa tête entre les cuisses de Susan. Puis elle l’embrassa de sa bouche humide, avant de se relever pour donner un baiser à chaque membre de la congrégation en guise de salut.

« Vous lui avez donné naissance », chantait Susan en marchant vers le cercueil enveloppé. « Et par mon pouvoir, je l’ai tué, celui qui a osé se dresser contre nous ! Voyez !, dit-elle en riant comme elle faisait face à la congrégation qui s’était rassemblée autour d’elle pour écouter, comme ma Magie le détruit ! Il est mort dans la souffrance et nous nous réjouissons ! »

« Il est mort dans la souffrance et nous nous réjouissons ! », répondit la congrégation.

Elle saisit le cercueil et le posa sur le sol, puis approcha une bougie allumée du linceul. Celui-ci s’enflamma.

« Notre malédiction, par ma volonté, dit-elle, l’a détruit ! Dignum et justum est ! »

Elle rit ; à son tour Conrad se mit à rire, de même que les autres membres de la congrégation, tandis que le linceul et le cercueil étaient dévorés avidement par les flammes.

« Festoyez à présent et réjouissez-vous, leur ordonna Tanith, car nous avons tué et manifesté la puissance de notre prince ! »

Près de Conrad, alors que l’orgie commençait, deux hommes nus descendirent les marches du Temple ; ils portaient de grands plateaux remplis de nourriture et de vin. Une femme vint vers Conrad, elle sourit et ôta sa robe, mais Susan lui prit la main et le ramena en haut des marches.

Elle ne parla pas et Conrad resta également silencieux, mais elle se baigna avec lui dans la pièce consacrée aux libations ; puis, elle s’habilla, attendit qu’il fût habillé à son tour et le ramena à la maison. La chambre dans laquelle elle le conduisit était sombre et vide.

« Tu n’as senti aucun pouvoir durant le rituel ? », demanda-t-elle soudain, comme ils se tenaient l’un à côté de l’autre dans le froid.

« Si », mentit Conrad.

« Tu dois être honnête avec moi », fit la voix d’Aris. Lentement, une douce lumière éclaira la pièce, révélant ses murs nus et Susan debout, souriante, à côté de lui. Il n’y avait pas de fenêtres et la porte était fermée.

« N’aie pas peur », dit Susan avec sa propre voix.

« Je n’ai pas peur », répondit-il honnêtement.

« Alors, dis-moi, pour le rituel », demanda doucement Susan.

« Il y avait quelque chose, dit-il, mais pas ce que j’attendais. »

« Et moi, je suis ce que tu attends ? » dit-elle avec la voix d’Aris. Elle le regardait, patientant.

Un instant, Conrad eut l’impression que Susan n’était pas du tout humaine — elle était quelque chose de surnaturel qui utilisait sa forme et la voix d’Aris, quelque chose venant d’un autre temps et d’un autre espace. Mais il l’avait touchée, embrassée et senti la douce chaleur de son corps. Confus, il continua de la regarder. Elle n’était pas la jeune femme qu’il avait connue : ses yeux se remplirent d’étoiles, son visage du vide de l’espace. Elle devint Aris, puis un chaos nébuleux qui lui était incompréhensible.

Il pouvait sentir en lui son désir pour l’immensité de l’espace. Il y avait une tristesse dans ce désir, car cela existait avant lui et existerait après sa mort, des milliers et des milliers d’années. Il devait comprendre, il le savait soudain — il devait comprendre et accepter cette nostalgie —, que cette attente serait bientôt terminée.

Puis elle fut de nouveau Susan, debout à côté de lui et lui tenant sa main, caressant son visage avec ses doigts. Doux et chauds.

« Tu commences à comprendre », dit-elle.

Sa caresse le rassura.

« Oui ». Il ajouta : « Je suis à toi. »

La porte s’ouvrit et Aris vint vers lui.

« Votre vie, dit le Maître Aris, va briser le sceau qui les lie. »

« Je n’ai pas le choix », répondit Conrad comme hypnotisé.

« Tu n’as pas le choix » dirent Aris et Susan d’une même voix.

Aris sourit et embrassa Susan : « Tu as bien agi, ma fille. À présent, tu dois le préparer. »

C’était le moment, comprit Conrad. Oui, c’était le moment. Susan toucha son front, et il tomba inconscient sur le sol.

 ***

CHAPITRE X

***

Warrior of Chalices
Sinister Tarot, Warrior of Chalices. Christos Beest.

Fitten marmonnait pour lui-même, assis contre le mur, dans la maison de Baynes.

Il semblait inoffensif, son hôte s’éloigna.

« Il est comme ça depuis que vous êtes revenus de cette demeure ? » Son interlocuteur était un vieil homme dont la barbe blanche se terminait en pointe. Il était assis dans un fauteuil confortable, son bâton de marche richement sculpté posé à côté de lui.

« Oui », répondit Baynes.

Frater Togbare était son invité d’honneur.

« Je parlais avec le Conseil, la nuit dernière, dit celui-ci, nous sommes d’accord, la situation est grave. Vous avez eu des nouvelles récentes de Frater Achad ? »

« Malheureusement non. »

« Son initiation dans le groupe satanique est prévue, avez-vous dit ? »

« Oui. Dans l’un des jours prochains. Il sera alors en mesure de nous fournir plus d’informations ».

« Excellent. Nous en aurons besoin. J’espère seulement que nous aurons assez de temps. »

Fitten commença à s’agiter, grommelant quelque chose d’incompréhensible, lorsque les invités de Baynes et Togbare arrivèrent dans leurs voitures.

Togbare alla vers lui et toucha son épaule. La douceur du vieux mage sembla le réconforter, car il s’assit tranquillement dans le coin, traçant des formes sur la paume de sa main avec son doigt.

Il ne fallut pas longtemps pour que les autres soient installés dans le salon. Ils avaient été discrètement informés pour Fitten et l’ignorèrent.

Baynes leva la voix pour s’adresser à l’assemblée : « Mesdames et messieurs, vous êtes tous, je le sais, au courant des raisons pour lesquelles Frater Togbare et moi-même avons organisé cette réunion. Vous êtes venus ici — et certains, de loin — en tant que représentants de nombreuses organisations différentes. Nous avons tous, cependant, un objectif commun : empêcher les satanistes de mener à bien leur projet. »

Il s’assit, mais Togbare chuchota à son oreille. « Heu, oui bien sûr », répondit-il à la question murmurée par Togbare.

Il se releva : « Frater Togbare a suggéré que je vous expose brièvement les faits, afin que tout soit clair — avant que nous ne commencions nos travaux magiques ». Il sonda les visages, dont certains étaient attentifs, d’autres plus inquiets. Six hommes et quatre femmes d’âges et d’allures différents. Il poursuivit : « Nous pensons que le groupe sataniste responsable de l’assassinat magique de l’épouse de M. Fitten, de l’état actuel de M. Fitten lui-même, et du meurtre, entre autres, de Maria Torrens, agit de concert avec un certain nombre d’autres groupes sataniques, ici et dans d’autres pays, dans le but de réaliser un rituel puissant et particulièrement sinistre. Ce rituel a, entre autres objectifs, l’ouverture des portes de l’abîme — libérant ainsi l’énergie psychique stockée, au cours des âges, à divers niveaux astraux et libérant également dans notre monde des entités maléfiques. Cette ouverture déchaînera des forces puissantes et transformera notre univers. Ce sera le début d’un âge de ténèbres.

Comme vous le savez tous, les satanistes — et ici, bien sûr je parle des véritables adeptes des Arts Noirs et non de ceux qui se disent satanistes pour la galerie — ont utilisé leurs pouvoirs magiques durant des siècles pour provoquer le chaos et augmenter l’emprise du mal dans ce monde. Peut-être existe-t-il une sorte de projet satanique vieux de plusieurs siècles — je ne sais pas —, mais ce qui est clair, ce qui est devenu évident pour nous au cours de cette dernière décennie, c’est que certains groupes sont sur le point d’effectuer ce rituel particulier que personne, à notre connaissance, n’a tenté auparavant. »

Il sourit légèrement : « Ou peut-être devrais-je dire que personne n’a tenté et réussi. La puissance du groupe le plus important impliqué dans ce projet est immense. Je suis sûr que vous l’avez tous compris. Il est difficile, en magie, comme vous le savez, de tuer quelqu’un au moyen d’un rituel — or ils possèdent ce pouvoir, revendiqué par beaucoup, mais rarement démontré.

Lorsque cette puissance aura été libérée par leur cérémonie, il y aura des effets immédiats et d’autres à plus long terme. Une augmentation des mauvaises actions, commises par des individus faibles qui se trouveront possédés par les forces démoniaques déchaînées. Et ce n’est qu’un exemple. Vous partagez tous, je le sais, la même préoccupation que moi, qui est également celle du Conseil que Frater Togbare représente. C’est pourquoi nous vous avons demandé de venir ici, afin d’unir nos compétences pour contrecarrer leurs plans. Vous êtes tous des occultistes accomplis et expérimentés. Certains d’entre vous œuvrent au sein de groupes, d’autres travaillent seuls. J’ai moi-même préparé un lieu pour vous. »

Il montra une femme, assise près de lui, qui resplendissait dans ses vêtements colorés et ses bijoux : « Denise vous y conduira et vous expliquera les détails du rituel ».

Un homme se leva respectueusement de sa chaise : « Vous ne nous accompagnez pas ? », demanda-t-il.

« Non, et Frater Togbare non plus. Peut-être devrais-je vous expliquer pourquoi. L’un de nos membres a récemment infiltré le groupe sataniste principal, nous attendons qu’il nous contacte pour nous fournir des informations importantes, telles que la date, le lieu du rituel, etc. Comme vous pouvez le comprendre, c’est une question capitale et nous devons rester disponibles, car ces informations peuvent nous être livrées à tout moment. Bien entendu, à l’heure prévue pour le rituel, nous en accomplirons un de notre côté et nous nous joindrons à vous, en astral. J’espère que cela répond à votre question, Martin. »

« Oui. Oui, bien sûr », répondit l’homme à présent un peu gêné.

« Il ne me reste plus qu’à vous remettre entre les mains très compétentes de Denise. » Denise lui adressa un sourire affectueux et il détourna les yeux.

Comme ils se levaient, Togbare déclara : « Je suis très heureux que vous ayez répondu à notre appel si facilement et que vous ayez accepté ce sacrifice qui n’est pas des moindres. Si je peux me permettre d’ajouter un codicille aux explications de mes amis, je vous rappelle que le rituel que les satanistes prévoient de réaliser, dans cette ville ou dans ses alentours, nécessite au moins un sacrifice humain, peut-être davantage. Merci à vous tous, très sincèrement. »

Il rayonnait de joie et secoua chaleureusement les mains de plusieurs invités qui vinrent le saluer.

« Dois-je allumer le feu ? », demanda Baynes lorsque tous les invités furent partis.

« Ce serait très aimable, répondit Togbare, très aimable de votre part. Ensuite, nous devrons commencer. »

« Je suppose, dit Baynes en se mettant à genoux devant le foyer pour allumer les bûches déjà préparées, que nous pourrions assimiler cette ouverture des portes au retour de Satan lui-même — l’Armageddon et le début du règne de l’Antéchrist. »

« Oui, peut-être. »

Tout d’un coup, Fitten bondit : « Non non !, hurla-t-il, il ment ! ». Il cria à Togbare : « Il ment ! Je le sais ! Moi ! Car il m’a été donné de comprendre ! »

Il se dirigea vers Togbare, Baynes dut le retenir. « Laisse-moi tranquille !, cria Fitten, vous êtes maudits ! Il doit savoir ! »

Il repoussa Baynes. Togbare lui sourit.

« Écoutez-moi !, dit Fitten à Togbare, nous serons tous des opfers. Non pas à Satan ! Pas à Satan ! Vous comprenez ? À Eux, les larves du Chaos. Ils nous ont menti, vous voyez. Ils nous ont menti !… Oh, comme ils nous ont menti et trompés ! Le Maître les fera venir — ils ont besoin de nous, vous savez. Ils viendront des étoiles. Le sceau qui les retient dans leurs propres dimensions va être brisé, vous ne comprenez pas ? Ils ne sont pas les Grands Anciens ! Ils ont aussi menti à ce sujet… ! Les Neuf Angles sont la clef… »

Fitten s’arrêta, les mains en l’air, le visage empourpré. Puis il se mit soudain à tousser et s’étouffer, crachant du sang avant de tomber sur sol, se tordant et hurlant. Du sang moussait sur ses lèvres, ses os semblaient sur le point de se briser. Son visage devint bleu et il ne bougea plus, les yeux exorbités. Baynes se précipita vers lui, mais il était mort, après avoir avalé sa langue.

« Nous devons reste calme », dit Togbare, tandis qu’un rire se faisait soudain entendre dans la pièce qui commença à s’assombrir. « Concentre-toi avec moi ».

Baynes vint se placer à côté de lui.

« Il y a le mal dans cette pièce. Concentre-toi avec moi, répéta Togbare, le pentagramme flamboyant et la respiration carrée. »

Peu à peu, le rire et l’obscurité se dissipèrent.

« Il est mort », constata Baynes inutilement. Il recouvrit le visage crispé de Fitten avec son manteau.

D’une façon incongrue, le téléphone se mit à sonner.

« Allo. Baynes », dit-il. Il écouta puis donna le récepteur à Togbare : « c’est Frater Achad. Il veut vous parler ».

« Bonjour, dit Togbare, oui, nous sommes seuls. Fitten ? Il était là, oui. Mais écoute, mon fils, à l’instant même, il est mort, ici, dans cette salle. Tu es toujours là ? La Magie Noire et les Puissances obscures nous ont visités. Oui, je comprends. Je vais prier pour toi, mon fils. Au revoir ».

Il rendit le récepteur téléphonique à Baynes : « Il ne pouvait pas parler longtemps ».

« Bien sûr. A-t-il mentionné quoi que ce soit ? À propos du rituel ? »

« Seulement la référence d’un manuscrit qui pourrait nous être utile. Le manuscrit Sloane 3189. »

« Je ne le connais pas. Un manuscrit du British Museum ? »

« Oui. En ce qui concerne ce pauvre M. Fitten… »

« Je vais m’occuper de tout. La police doit être informée, évidemment ».,

« Naturellement ».

« J’ai une certaine influence, dit Baynes, en haussant les épaules, je n’aime pas l’utiliser, mais dans les circonstances… »

« Je comprends très bien », dit Togbare avec sympathie.

« La nouvelle va se répandre sans l’aide des réseaux occultes. Si vous voulez bien m’excuser un moment. J’ai quelques appels téléphoniques à passer ».

« Oui bien sûr. »

Le feu de cheminée brûlait vigoureusement lorsque Baynes revint, Togbare était toujours assis dans le fauteuil, le corps de Fitten à proximité, sur le sol. Baynes admira le détachement de Togbare.

« Ses notes et documents, demanda ce dernier, cela pourrait nous aider d’y jeter un œil ».

« C’est possible en effet. J’ai une clé de sa maison ».

« Vraiment ? », Togbare manifesta sa surprise.

« Il y a quelques semaines, expliqua Baynes, il est venu me voir et m’a donné la clé avec l’instruction de brûler toutes ses notes, documents et livres, si quelque chose lui arrivait »

« Il s’attendait à ce que quelque chose lui arrive ? »

« Apparemment. Mais il était toujours sur les nerfs. C’était simplement sa façon d’être ».

« Vous ne l’avez pas cru ? » demanda Togbare brutalement.

« Pour être honnête, non. Je voudrais, à présent, l’avoir cru. J’aurais peut-être pu faire quelque chose ».

« Il n’y a rien que nous aurions pu faire. Vous avez appelé la police ? »

« Oui. Quelqu’un va arriver sous peu ».

Togbare sourit : « Juste au moment où Denise et les autres commencent leur rituel ».

« Bien sûr !, dit Baynes, comprenant soudain, le Maître a bien programmé ça ! »

Togbare soupira : « Il est puissant. Pourtant, il y a quelque chose d’autre. Tous nos efforts pour neutraliser le pouvoir magique de ce groupe durant toutes ces années n’ont abouti à rien. Je les soupçonne depuis longtemps de nous avoir infiltrés. Le Conseil lui-même. Les événements les plus récents ne font que confirmer ce soupçon. »

« Vous croyez qu’il y a un traître ? », demanda Baynes avec incrédulité.

« Je ne le crois pas, répondit Togbare calmement, je le sais ».

Il soupira de nouveau : « Et parce que je sais cela, je vais mourir. Peut-être que ma mort les arrêtera — je ne sais pas, mais je sais qu’au-delà de la mort, ce maître satanique essaiera d’atteindre mon âme ».

Doucement, Baynes prit la main du vieil homme. Elle était froide, comme la pièce. « Ce sera l’aube dans quelques heures », dit Baynes.

Ce fut alors que le rire revint les hanter — un rire damné, démoniaque. Mais il disparut rapidement et à l’extérieur, ils entendirent crier un hibou.

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