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Le Pathei-Mathos et la Quête Initiatique Occulte

Le Pathei-Mathos

Pathéi-mathos est un terme – provenant de la philosophie du Numen de Myatt [1] – que nous, l’Ordre des Neuf Angles, avons introduit il y a quelques années dans l’occultisme pour décrire un certain processus interne (alchimique, ésotérique), à la fois individuel et Eonique. Comme l’expression « satanisme traditionnel », introduite par nous il ya quelques décennies, ce terme est utilisé par d’autres, mal utilisé, à la fois dans un contexte occulte et non occulte.

Par conséquent, comme la signification explicite et implicite de pathéi-mathos semble faire l’objet d’une mauvaise compréhension, à la fois dans un contexte occulte et non occulte, une explication du terme s’impose.

Comme l’a expliqué Myatt, pathéi mathos – πάθει μάθος – est un terme grec (utilisé par Eschyle dans son Agamemnon) qui peut être diversement interprété comme signifiant : l’apprentissage par dans l’adversité, ou la sagesse découlant de la souffrance individuelle, et/ou le fait que l’expérience personnelle est à l’origine de la véritable sagesse.

Prise dans son ensemble, cette définition correspond à la signification ésotérique et à l’utilisation correcte du terme par l’O9A, à savoir que la sagesse [2] – l’un des buts de l’Adepte [3] ; l’acquisition d’une compréhension authentique et équilibrée, le dévoilement/la révélation de la Réalité – trouve son origine dans la combinaison de : (a) la souffrance personnelle, (b) un apprentissage de l’adversité, (c) le développement de certaines compétences occultes, et (d) l’expérience personnelle pratique. Autrement dit, ces diverses expériences sont comprises dans notre utilisation du terme, et sont donc toutes nécessaires à la transformation interne, ésotérique, de l’individu. Pas uniquement « l’expérience personnelle pratique », ni seulement les compétences occultes, ni uniquement « un apprentissage de l’adversité / et des défis », mais aussi et surtout un enseignement puisé dans la souffrance personnelle, les douleurs, les traumatismes (physiques et/ou émotionnels), l’expérience de la perte et la rencontre (ou de nombreuses rencontres) avec l’éventualité imminente de sa propre mort.

Il émerge donc de ces expériences de pathéi-mathos, des émotions intimes intenses, une certaine intelligence, et de là, dans de nombreux individus, une certaine forme de connaissance – d’eux-mêmes et de la finitude de l’être humain, ô combien microcosmique, de la fragilité de l’individu et de son corps. En substance, l’individu est replacé dans son contexte et, s’il possède un certain potentiel, une certaine nature, il est transformé – il apprend – par ces expériences. Bien sûr, certains êtres humains vivant sur la planète Terre – ne possèdent pas ce potentiel, et étant dotés d’une nature tout à fait différente – ne changent pas, ne peuvent pas apprendre du pathéi-mathos. Ce qui signifie que le pathéi-mathos éprouve, sélectionne, révèle et peut produire un type humain quelque peu différent [4].

En ce sens, il fut et demeure une technique ésotérique utile, un nouveau genre d’Art Sombre. Il est l’une des raisons pour lesquelles l’ONA a développé des approches telles que les insight-roles, des grades tels que ceux d’Adepte interne ; une praxis exotérique – hérétique et amorale – ; et des défis physiques difficiles. De cette façon, les individus peuvent se tester et être testés ; ils peuvent souffrir, peuvent se confronter à des difficultés, en triompher ou échouer ; ils peuvent rejeter les attitudes affectées et apprendre à connaître qui et ce qu’ils sont ; et ils peuvent acquérir la compréhension ésotérique, éonique, d’eux-mêmes comme étant de fragiles et mortelles nexions.

Ce que le pathéi-mathos en tant qu’Art Sombre a réalisé et peut réaliser est de permettre à l’individu d’expérimenter, à l’extérieur et à l’intérieur de lui-même, à la fois le Sénestre et le numineux, la « lumière » et les « ténèbres », et donc apprendre – ou de ne pas apprendre – grâce à telles expériences, externes et internes. C’est pour cette raison que des approches occultes, initiatiques, telles que la Voie Septuple et le Chemin de Rounwytha existent et ont été originellement conçues, car elles fournissent un contexte, une tradition vivante (pathéi-mathos ancestral / « chemin ») et forment une voie éprouvée et testée vers une évolution, une transformation individuelle positive avec, comme finalité, l’acquisition de la sagesse.

Faute de telles méthodes, l’individu se voue généralement l’échec ou, plus fréquemment, à l’illusion de la réalisation. Ceux qui ont tenté d’utiliser le pathéi-mathos comme Art sombre en dehors du cadre fourni par ces méthodes – (a) n’ont pas volontairement ou involontairement expérimenté l’éventualité imminente de leur propre mort ; (b) n’ont pas subi de traumatisme important (physique et/ou émotionnel) et (c) ne se sont jamais volontairement confrontés aux royaumes du numineux, trop satisfait d’eux-mêmes et de leur ego enflé, au point qu’ils adhèrent au primitivisme de « la force c’est le droit » et croient en des choses telles que le grandiloquent « Je commande à ces puissances » ou « Je peux et je vais commander à ces puissances »

Ils demeurent déséquilibrés. Incomplets. Loin de la sagesse, n’ayant jamais – par le πάθει μάθος (pathéi mathos) – tempéré leur ὕβρις (hubris) par l’ἀρετή (la vertu [5]) et, de là, ils n’ont pas transcendé ces deux imposteurs.

C’est ce qui explique pourquoi cette technique particulière qui est la nôtre – le pathéi-mathos comme Art Sombre – comporte deux phases distinctes, classiquement représentées par l’accomplissement du grade d’Adepte Interne et par le Franchissement de l’Abîme.

Ce qui ne veut pas dire que ces méthodes structurées que sont la Voie Septuple et le chemin de la Rounwytha sont les seuls moyens pour accéder à la sagesse, pour que nous comprenions et apprécions la sagesse, seulement qu’ils ont prouvé leur efficacité en permettant à certains individus d’atteindre le troisième objectif, cette troisième phase ; une efficacité pouvant être appréciée par ceux qui côtoient personnellement ces individus, mais également perceptibles dans leurs créations, qu’elles soient occultes, philosophiques, ou individuelles, ou, dans le cas d’un petit nombre d’individus, musicales / artistiques, universitaires [6] ou pédagogiques.

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La Quête Initiatique Occulte

Le grade d’Adepte interne – comme cela est maintenant bien connu grâce à la disponibilité de textes tels que Naos – est la phase, la scène, l’itération, de notre quête initiatique occulte Sénestre où l’externe laisse la place à l’interne ; où le destin personnel peut se révéler ; et où une certaine connaissance de son intériorité et donc un équilibre sont atteints. Une connaissance intérieure, un équilibre, analogues mais pas identiques à ce que Jung appelle « l’individuation ». Une connaissance que les nouveaux Adeptes Internes portent en eux tout au long de leur vie et qui a pour effet, lorsqu’ils retournent dans le monde ordinaire, après leurs trois mois (ou plus) passés dans la solitude, qu’ils se sentent quelque peu déplacés, avec, pour beaucoup, ce sentiment de ne pas être dans le présent, mais plutôt d’appartenir à un certain passé ou d’attendre quelque avenir lointain.

Pourtant ce nouveau savoir – acquis en partie suite aux mois de solitude passés dans des endroits sauvages isolés, mais le plus souvent intégré lentement, progressivement dans les mois qui suivent – n’est pas lui-même la sagesse, mais plutôt quelque chose de propre à l’individu. Quelque chose de relatif à ses sentiments, son rapport à la Nature ; de ce que lui-même désire désormais accomplir : créer, manifester ou peut-être expliquer.

Au-delà de tout cela, se trouve le rite de l’Abîme, précédé – par ceux qui suivent une voie initiatique Sénestre – par un engagement long et concret avec le numineux ; et précédé – par ceux qui suivent un chemin initiatique numineux – par un engagement long et concret avec le sinistre. Autrement dit, précédé par l’expérience et le vécu, durant une période de trois ans ou plus, de l’aspect numineux / sénestre, période qui est suivie par l’intériorisation de cet aspect, afin d’aller encore au-delà – encore une fois, en termes concrets – de la fusion personnelle qui en résulte, un « au-delà » dont le rite de l’Abîme est partie intégrante.

L’expérience, l’expérimentation de modes de vie, durant au moins trois ans, à l’opposé exact du chemin initial choisi [7] semble très facile en théorie, mais elle est très difficile dans sa réalisation et dans la pratique, sapant et détruisant, comme elle le fait et le doit, l’image de soi – le sens du destin, l’importance de soi, la fierté – que le rite d’Adepte interne a contribué à révéler, puis que l’Adepte interne s’est efforcé durant quelques années d’extérioriser, de manifester. Car ce nouveau type de connaissance, par exemple pour quelqu’un qui suit une voie initiatique Sénestre, va porter sur sa relation aux autres, l’empathie, les connexions qui relient les humains entre eux, au-delà de leur identité profonde, qui les relient à la vie en général : à d’autres êtres humains, à la nature, au Cosmos. Une transformation affective (a-causale) et effective (causale).

C’est dans le Rite de l’Abîme – tel qu’il se manifeste dans le rite Camlad, dans sa sombre simplicité, dans l’état de stase qu’il impose, dans son exigence périlleuse de confinement durant toute une lunaison – que l’ancien pathéi-mathos accumulé avant ou après le rite d’Adepte interne fusionne avec celui acquis lors de ces trois années, au minimum. Car le candidat n’a rien à faire d’autre que d’approfondir ces questions et de s’efforcer d’être tout simplement ce qu’il est et a toujours été, une connexion microcosmique, suspendue entre le temps causal et a-causal. En outre, et c’est d’une importance cruciale, le candidat doit faire confiance implicitement à quelqu’un ; lui faire confiance pour lui apporter de la nourriture et le prévenir lorsque le mois lunaire d’isolement aura pris fin [8]. Il s’agit, concrètement, de confier sa propre vie à quelqu’un d’autre, durant toute une lunaison.

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Conclusion – La Genèse d’une Nouvelle Race

Toute cette accumulation d’expérience, par le biais des Arts Sombres et par l’Art Sombre du pathéi-mathos, est difficile et prend un certain temps causal qui se chiffre en décennies, et ce chemin implique non seulement des expériences exéatiques, des expériences occultes et des combats, mais également l’apprentissage de la souffrance personnelle : de la douleur, de graves traumatismes (physiques et/ou émotionnels), des deuils et une rencontre (ou de nombreuses rencontres) avec l’éventualité imminente de sa propre mort.

Par conséquent, montrez-moi quelqu’un prétendant être sage, prétendant avoir dépassé le stade d’Adepte, qui n’a pas atteint un certain âge, qui n’a pas enduré la douleur, de graves traumatismes (physiques et/ou émotionnels), des deuils, et une rencontre (ou de nombreuses rencontres) avec l’éventualité imminente de sa propre mort et je vous montrerai un menteur, un imposteur, un charlatan, un poseur, ou quelqu’un de tellement illusionné qu’il croit réellement dans le fantasme qu’il s’est créé, pour lui-même et parfois également pour les autres.

Inversement, toute personne d’un certain âge, prétendant suivre ou ayant concrètement suivi une quête initiatique occulte, ne sera pas nécessairement un sage ou même un Adepte. Car la sagesse est soit un très rare cadeau offert par le destin [wyrdfully-given] – cette sagesse rayonne par la personnalité, la vie et les œuvres de l’individu mature – soit l’aboutissement d’une quête occulte initiatique, poursuivie avec succès, durant plusieurs décennies, jusqu’à sa conclusion jubilatoire – un succès de nouveau évident au travers de la vie, de la personnalité et des œuvres de cette personne [9]. Ces deux types de personnes – ceux à qui ce don est offert par le destin et ceux qui l’acquièrent par des moyens occultes, alchimiques – sont les hérauts d’une nouvelle race humaine et, à partir de cette race, de cette nouvelle race, ceux d’une nouvelle espèce humaine.

On ne dénombre peut-être que deux ou trois personnes naturellement dotées par le destin par siècle, malgré ce que les gens ordinaires ont envie de croire. Et ceux qui l’acquièrent par eux-mêmes sont à peine plus nombreux. Ce qui explique pourquoi ces outils occultes initiatiques ainsi que l’Art Sombre de Pathei-Mathos existent : afin de faire éclore, d’engendrer de tels êtres en nombre toujours croissant.

C’est la manière, ce sont les moyens pour que la sagesse existe ; mais les humains jusqu’à présent se sont montrés peu enclins à suivre cette voie, à utiliser ces outils, préférant, comme c’était prévisible, la facilité à la difficulté, préférant vivre en s’illusionnant, préférant la servilité des abstractions causales et être esclaves de leurs médiocres désirs humains et/ou de ceux des autres.

Anton Long, Order of Nine Angles 122 yfayen. Tradition française Melmothia & Anonyme, 2015.

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NOTES : 

[1] NDT : La philosophie du Numen, ou Voie numineuse (Numinous Way) a été formellement développée par Myatt entre 2006 et 2011, mais elle prend sa source dans des réflexions entamées depuis 2002 à l’occasion d’une intense période d’errance, d’isolement et de réflexion. Les années 2011-2012 ont vu Myatt la réviser profondément et la renommer en conséquence « philosophie du Pathei-Mathos » (cf. D. Myatt, Concerning The Development Of The Numinous Way, 24/04/2012 [nov. 2012 pour la version revue]). Pour avoir une vision synthétique de cette philosophie, se référer à D. Myatt, Conspectus of The Philosophy of Pathei-Mathos, 2012. Paru la même année, Recuyle Of The Philosophy Of Pathei-Mathos la développe de façon beaucoup plus détaillée.

[2] Par le terme « sagesse », nous entendons non seulement la définition standard du dictionnaire – un jugement personnel équilibré ; une capacité de discernement – mais également le sens plus ancien de : posséder une certaine connaissance des choses païennes, occultes, des êtres vivants, de la nature humaine et de la nature et des « cieux » ; avoir de l’esprit, certaines facultés telles que l’empathie ésotérique, une connaissance de soi-même ; posséder des connaissances Eoniques ; et donc connaître la réalité qui se trouve au-delà – débarrassée des abstractions inhérentes à l’univers causal.

[3] L’autre objectif est l’immortalité, ce qui signifie pour nous une nouvelle existence dans l’univers a-causal.

[4] NDT : Le pathei-mathos possède en effet une « autorité numineuse, vivante » chez ceux en qui il se manifeste, car il est une connaissance, une sagesse qui provient de l’individu et non de textes, enseignements ou révélations extérieur(e)s comme c’est le cas dans les religions (cf. D. Myatt, The Way of Pathei-Mathos – A Philosophical Compendiary, 2012).

[5] NDT : sur le sens de la notion d’arété dans la Voie numineuse et la philosophie du pathéi-mathos, voir notamment D. Myatt, The Culture of ἀρετή – Essays in Praise of πάθει μάθος, 2010 : « Au cœur de la culture de l’arété résident deux choses : le concept (ou l’archétype) actuellement démodé du caractère noble, aristocratique, forgé par les défis intellectuels et physiques (c’est-à-dire le développement ou la découverte de son potentiel à travers des épreuves directement vécues), et le concept (ou, là encore, plus correctement, l’archétype) de la Δίκα [Justice].

[6] Par « universitaire », nous entendons une recherche documentée, minutieuse, impartiale, sur un sujet spécifique, poursuivie sur une période de quelques années.

[7] La compilation disponible en pdf : Enantiodromia – The Sinister Abyssal Nexion donne des indications générales sur ces modes de vie.

[8] Cette confiance, étant une tradition jusqu’ici orale, a été délibérément omise dans les explications détaillées du rite données dans le texte précité.

[9] Comme nous l’avons souligné à plusieurs reprises au fil des années – et comme notre Code de l’Honneur Clanique l’exige – nous, notre espèce, jugeons une personne par la connaissance intime de ces éléments et par ses actes, et ce durant une certaine durée de temps causal. Tout le reste est la marque du mundane – de l’ordinaire.

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