Entrevue avec Ardonau

Vieux loup du milieu gothique, Ardonau mitraille d’innocents modèles, des musiciens et dérange des paysages romantiques, depuis une grosse décennie. Il a accepté de disserter sur sa manie avec l’équipe de Rat Holes.

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Melmothia : Bonjour, Ardonau, et merci d’avoir accepté cette entrevue. Pourrais-tu te présenter en quelques mots à nos lecteurs ? Que doit-on absolument savoir sur toi ? Et comment en es-tu venu à mitrailler ton entourage ?

Salut Melmothia, et merci à toi de m’avoir invité à cette entrevue. En quelques mots je suis un photographe amateur vivant à Limoges, j’ai 39 ans et je mitraille ce qui m’entoure depuis plus d’une dizaine d’années maintenant.

Comment j’en suis arrivé à photographier mon entourage ? Aussi loin que je me souvienne, il y a toujours eu un appareil photo chez moi, sans pour autant que ce soit une passion dans ma famille.

Melmothia : Si je ne me trompe, tu as surtout photographié des concerts à tes débuts. Est-ce la musique qui t’a conduit à la photo ? Comment as-tu évolué ensuite pour passer à d’autres sujets photographiques ?

J’ai assisté à mon premier concert metal en mai 2000, et j’avais un petit appareil photo argentique avec moi. J’ai toujours eu ce réflexe de garder une trace de ce à quoi j’assistais, et c’est devenu une passion au fil du temps, que ce soit les concerts ou bien les paysages. Les portraits sont arrivés bien plus tard. D’abord sur le vif, dans les bars que je fréquentais, puis des demandes de shooting ont commencé à tomber.

Melmothia : Tu es autodidacte ou tu as suivi des formations ? Tu as déjà songé à devenir professionnel de la photographie ?

Je suis 100% autodidacte, et me suis « formé » à la photographie avec la pratique et par le biais de livres et magazines. Devenir pro n’est pas d’actualité pour l’instant, mon travail alimentaire me suffit.

Melmothia : Tu travailles presque exclusivement en noir et blanc. Pourquoi ce choix ?

Le noir et blanc me renvoie vers une nostalgie que j’affectionne particulièrement, et qui stimule mon imaginaire. Le noir est blanc est invariablement associé au passé, à des souvenirs. C’est ce que je cherche à éveiller à travers mes photos.

Melmothia : Quelles sont tes influences artistiques ? Et, d’une façon plus générale, d’où vient ton inspiration ?

Au tout début je n’avais pas vraiment d’influences artistiques, je faisais ce qui me passait par la tête et je testais des choses. J’ai un peu de mal à me situer, artistiquement parlant, alors je regarde ce que d’autres font et qui me parle vraiment. J’étais un grand fan de Féebrile pendant sa période bien torturée, puis j’ai découvert d’autres photographes comme Ando Fuch dont le noir et blanc brumeux me plait vraiment.

 

Melmothia : Tu dirais plutôt que ton imaginaire alimente tes images ou que ce sont tes images qui alimentent ton imaginaire ?

J’ai envie de dire que les deux s’alimentent mutuellement.

Melmothia : Selon toi, qu’est-ce qui te différencie des autres photographes ? Qu’essaies-tu de transmettre avec vos photos ?

La plupart des photographes te diront qu’ils essaient de capter des instants de vie ou des émotions, moi je suis plus dans une optique de narration. J’essaie de raconter des histoires et d’en façonner les paragraphes à travers des images.

Melmothia : La musique joue-t-elle un rôle (ou encore un rôle) dans ton univers photographique ?

J’aime toujours assister à des concerts et y prendre des photos. Quant à mes photos en pleine nature, je ne sors jamais sans mon baladeur.

Melmothia : Tu préfères shooter en numérique ou en argentique ? Peux-tu nous décrire rapidement le matériel que tu utilises ?

 Je shoote seulement en numérique. J’utilise un boitier moyen format, un objectif pour les paysages et concerts et un objectif pour les portraits.

Melmothia : Quelle est ton approche de la prise de vue : tu réfléchis longuement et tu prémédites ta photo avant d’appuyer sur la gâchette ou est-ce que tu préfères laisser parler l’instant ? Et quelle est la part de la retouche et des post-traitements dans tes photos ?

En fait il y a un peu de tout ça à la fois. Pour la photographie de paysages je prends mon temps, sauf si la scène à photographier est fugace. Pour les concerts, j’essaie de capter l’instant tout en essayant de me l’approprier, de le vivre en même temps.

Melmothia : Dans le même ordre d’idées, comment diriges-tu tes modèles ? Tu pars avec une idée précise en tête ou tu laisses la personne construire son histoire ?

Pour les shootings c’est différent. Soit on part sur une idée du ou de la modèle et du coup, je tâche de photographier selon ses directives, soit je propose un thème et j’improvise au fur et à mesure, même si j’ai déjà les grandes lignes de l’histoire en tête.

Melmothia : Quelle place occupe la mise en scène dans la photo, pour toi ? Pour le dire autrement, si tu devais choisir : pictorialisme ou f/64 ?

La mise en scène occupe une place importante, dans la mesure où j’essaie avant tout d’aller au-delà de ce que l’on peut voir de prime abord. C’est la raison pour laquelle, pour des raisons de goût personnel, je sous-expose et j’accentue les contrastes.

Melmothia : Tu as exposé pour la première fois, en 2010, avec une série intitulée « Le Cloître » Comment as-tu vécu cette expérience ? Qu’en as-tu retiré ? As-tu d’autres projets de ce genre, en cours ou à venir, dont tu peux nous parler ?

En 2010 j’ai exposé une cinquantaine de photos allant des concerts aux paysages dans un bar que je fréquentais souvent, à la demande du propriétaire. L’exposition du Cloître a eu lieu 5 ans plus tard. Dans les deux cas c’était une expérience à la fois enrichissante et angoissante que d’organiser une expo et s’exposer aux réactions des gens, notamment pendant les vernissages.

Melmothia : Tu as fait plusieurs séries avec des paysages. Quelle relation entretiens-tu avec la nature de manière générale ?

 La nature est un refuge pour moi. J’aime m’y perdre pendant des heures et profiter du calme qui y règne afin de me ressourcer.

Melmothia : Tes photos mettent en scène des solitudes, épinglent des lieux désolés et pourtant elles dégagent une certaine forme de sérénité. C’est une déclaration d’amour à la déréliction ou plutôt une forme de catharsis ?

Je n’irais pas jusqu’à dire que je m’abandonne totalement une fois en pleine nature vu que j’essaie d’observer au maximum ce qui m’entoure pour pouvoir prendre la photo qui me parlera le plus, mais je m’y sens bien, c’est une certitude. C’est justement cette sérénité que j’éprouve en regardant ces panoramas ou ces détails que je veux partager en photo.

Melmothia Tu sais que cette entrevue est destinée à être publiée sur un blog de sensibilité ésotérique. Est-ce que tu t’intéresses à ces domaines ? Et que penses-tu du côté obscur ? Tu as pioché certains titres de séries photographiques dans l’imaginaire religieux, tes photos véhiculent-elles une dimension mystique ?

Ça fait très longtemps que je ne fréquente plus de gens qui côtoient ces domaines, dont une ex, et déjà à l’époque on m’a bien fait comprendre qu’il fallait être initié. Venant d’une famille musulmane j’étais fasciné par les récits de mon père et de ses amis sur leur rencontre avec les Jinns, mais le sujet reste assez tabou. Par extension, j’ai beaucoup d’admiration et de respect pour les ésotéristes.

Je ne sais pas si mes photos comme celles du Cloître véhiculent une dimension mystique, le thème de fond étant la solitude et l’isolement.

Melmothia : Tu as déjà attrapé des fantômes sur tes clichés ?

Hélas non.

Melmothia : Quels conseils donnerais-tu à quelqu’un qui débute dans la photo ? Que faut-il comme qualités, selon toi, pour être un bon photographe ?

Je lui dirais de lire, d’assimiler les notions de bases de la composition et de la prise de vue et de faire ses propres expériences, et surtout de prendre le temps de regarder le monde qui l’entoure et les gens qu’il côtoie. Je ne suis pas vraiment à même de pouvoir dire ce qui différencie le bon photographe du mauvais, je ne pense même pas être ce que l’on peut qualifier de « bon photographe » aux yeux des photographes professionnels. J’essaie de ne pas rester sur mes acquis et de chercher à progresser.

C’est peut-être ce que je conseillerai en fin de compte, avancer et rester humble.

Melmothia : Quelles sont dans ton travail, à ce jour, tes photos préférées ? Et si tu devais n’en garder qu’une seule dans toutes celles que tu as prises ?

Si je ne devais garder qu’une photo, ce serait sûrement une photo que j’ai prise de ma femme il y a quelques années pendant une ballade forestière, surprise par une bestiole. Mais elle m’a fait jurer de ne jamais la publier sous peine de graves représailles.

Quant à mes photos préférées, c’est difficile de trancher. On va dire : celles que je mets en ligne sur mon site et mon blog.

Melmothia : As-tu déjà songé à te mettre aux images qui bougent ?

Si tu fais allusion au GIF, j’en poste beaucoup sur les réseaux sociaux déjà. Inutile d’en faire de mon crû, les gens vont me détester encore plus que ce n’est déjà le cas !

Et si tu penses à la vidéo, qui sait ?

Melmothia : Merci pour cet entretien, Ardonau.

Merci à toi Mel.

Le blog photo d’Ardonau

 

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