Falcifer – Seigneur des Ténèbres (11)

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Falcifer – Seigneur des Ténèbres

(Deofel Quartet, Volume I) Anton Long

Order of Nine Angles

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Première publication : 1976 e.n.

Version corrigée (v.1.01) 119 année de Fayen

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CHAPITRE XXI

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Denise se réveilla dans une cellule. Elle était petite, très éclairée et chaude. Il y avait une lanière autour de son cou, et elle luttait encore pour tenter de la retirer, lorsque la porte de sa cellule s’ouvrit.

Neil, vêtu de la robe noire de l’ordre, se tenait à l’extérieur et lui fit signe de venir.

« Écoutez-moi », murmura-t-il, en regardant derrière lui vers l’escalier de pierre, « je n’ai pas beaucoup de temps. Vous devez avertir les autres. C’est un piège. »

Il lui remit un trousseau de clés : « Prenez l’une de leurs voitures. Allez-y ».

Comme Denise ne faisait aucun geste pour partir, il ajouta : « S’il vous plaît, vous devez me faire confiance. Frater Togbare vous expliquera. »

Elle le regarda dans les yeux, puis sourit. « Comment dois-je faire pour sortir ? », demanda-t-elle en prenant les clés.

« Je vais vous montrer. »

Il la conduisit dans l’escalier en passant par une arche une arcade.

« Après cette porte, dit-il, il y a quelques marches. Vous arriverez à une autre porte qui conduit à un passage. Suivez ce passage et vous arriverez dans une pièce proche de la porte d’entrée de la maison. Et ne vous inquiétez pas, il n’y aura personne là-bas — ils sont tous dans le Temple. Bonne chance ! »

Il la regarda partir avant de retourner en haut de l’escalier. Une fois dans l’antichambre circulaire, il attendit. Pas très longtemps, car le sol commença bientôt à tourner. Le mur s’ouvrit, révélant le Temple. Il descendit les marches pour rejoindre les fidèles.

Conrad le salua : « Le Maître vient de me dire que tu étais l’un d’entre nous depuis le début. Désolé si j’ai été trop violent. »

« Tu ne pouvais pas le savoir », dit Neil soulagé.

Aris, Tanith et Susan étaient debout devant l’autel, la congrégation devant eux, et ils attendirent que Neil et Conrad les aient rejoints.

Conrad montra fièrement sa bague de mariage à Neil et les rejoignit.

« Que le rite du sacrifice commence ! », entonna Le Maître.

Lentement, la congrégation commença à chanter : « Suscipe, Satanas, munus quod tibi offerimus memoriam recolentes Atazoth ».

Puis ils entamèrent leur danse contra-solaire autour de l’autel, en entonnant un nouveau chant : « Dies irae, dies illa, solvet saeclum in favilla teste Satan cum sybilla. Quantos tremor est futurus, quando Vindex est venturus, cuncta stricte discussurus. Dies irae, dies illa! »

Comme le Maître vibrait les paroles du chant, « Agios o Baphomet », l’un des membres de la congrégation vint se mettre à genoux devant Tanith qui découvrit ses seins en guise de salutation.

« C’est la protection », dit l’homme agenouillé en retirant la capuche qui couvrait sa tête, « et le lait de tes seins que je cherche. »

Tanith se pencha et l’allaita. Puis elle le repoussa en riant et en disant : « Je te rejetterai ! » L’homme demeurait à genoux devant elle, tandis que tout autour les danseurs tournoyaient de plus en plus plus vite, toujours chantant.

« Je dépose mes baisers à tes pieds », dit l’homme agenouillé, « et me tiens à genoux devant toi qui écrases tes ennemis et qui te baignes dans des bassins emplis de leur sang. Je lève mes yeux pour contempler la beauté de ton corps : Toi qui es la fille et une porte vers nos Dieux Sombres. J’élève la voix pour Toi, sombre démonesse Baphomet, que ma semence de mage puisse nourrir ta chair prostituée ! »

Tanith toucha sa tête et ses mains : « Embrasse-moi et je ferai de toi un aigle fondant sur sa proie. Touche-moi et je ferai de toi une épée puissante qui décapite et tache ma Terre de sang. Goûte-moi et je ferai de toi une graine de maïs qui croît, tournée vers le soleil et ne meurt jamais. Laboure-moi et ensemence-moi de ton sperme et je ferai de toi un Portail qui s’ouvre vers nos Dieux ! »

Elle tapa dans ses mains deux fois, et les danseurs cessèrent leur danse pour se rassembler autour comme elle se couchait à côté de l’homme, en le déshabillant. Puis elle fut sur lui, accomplissant son désir tandis que la congrégation battait des mains au rythme de son corps montant et descendant.

« Agios o Baphomet ! Agios o Baphomet ! », chantait Aris.

Tanith poussa un cri d’extase, et durant un moment resta immobile. Puis elle se redressa, psalmodiant son texte :

« Ainsi tu as semé et de tes graines viendront des dons, si tu écoutes docilement les mots que je prononce. »

Elle regarda l’assemblée en souriant : « Je vous connais, mes enfants, vous êtes sombres et cependant, aucun de vous n’est aussi sombre ni funeste que je le suis. D’une malédiction, je peux vous foudroyer. Écoutez-moi et obéissez ! Apportez pour moi le cadeau que nous allons offrir en sacrifie à nos dieux ! »

Elle fit un geste de la main et deux membres de la congrégation gravirent les escaliers tandis que les battements de tambour reprenaient dans le Temple. Il ne fallut pas longtemps avant que l’un des hommes ne se retourne, atterré.

« Elle s’est enfuie ! » cria-t-il.

Aris se tourna vers Neil et sourit : « Tu vas prendre sa place », dit-il.

******

À la sortie de la clairière se trouvait une cabane en bois à laquelle Sanders les conduisit.

« À l’intérieur », dit-il à Baynes, « il y a une trappe dans le plancher. »

Il fit mine de s’en aller, mais Baynes l’arrêta : « Montrez-moi. »

À contrecœur Sanders entra dans la cabane et, dans un coin, souleva le revêtement qui recouvrait le sol. La pièce elle-même était vide.

« Là, », dit-il dans un murmure.

« Ouvrez-la », répondit Baynes.

Sanders s’exécuta et de la lumière venant de l’escalier baigna la cabane.

« Ils sont tout à toi ! », déclara Sanders avec soulagement et retourna vers la porte restée ouverte, là où Miranda se tenait à côté de Togbare,

Il était sur le point de sortir quand il les vit. Trois molosses qui se précipitaient vers lui en grognant. En toute hâte, il claqua la fragile porte de bois, contre laquelle les chiens s’acharnèrent en aboyant férocement. Seul son poids parvenait à la maintenir fermée. Ils bondirent encore et encore, comme possédés, et le bois commença à craquer.

« Vite ! », dit Baynes en montrant les escaliers.

Il aida Miranda et Togbare à descendre puis dévala à son tour les marches.

« Venez ! vite ! », cria-t-il à Sanders qui maintenait la porte sur le point de rompre, avec son dos et ses bras, les yeux écarquillés par la terreur.

Baynes avait disparu. Sanders traversa la cabane en courant, manquant de trébucher. La porte céda et il se battait avec l’anneau pour ouvrir la trappe, lorsque le premier chien attaqua. Il parvint de justesse à lui échapper en refermant la trappe, et dut s’appuyer contre les marches, la respiration difficile, tandis qu’au-dessus de lui, les chiens essayaient de creuser tout autour et raclaient le bois de la trappe.

« Venez », dit Baynes, courbé dans le tunnel étroit qui succédait à l’escalier.

Sanders ne dit rien, mais ses yeux et son visage trahissaient sa peur.

« Vous n’avez pas le choix », dit Baynes rudement.

Au-dessus, les chiens s’étaient mis à hurler. Miranda revint sur ses pas, dépassant Baynes pour prendre la main de Sanders dans la sienne.

Le geste fonctionna, et il les suivit alors qu’ils suivaient le tunnel. Bientôt, il accusa une légère pente, mais ils continuèrent un long moment à entendre les aboiements et les hurlements des chiens.

Peu à peu, la lumière commença à changer d’intensité, et elle n’était plus qu’une faible lueur leur permettant à peine de distinguer vaguement autour d’eux, lorsque Baynes atteignit la porte à la sortie du tunnel.

« Êtes-vous prêt ? », demanda-t-il à Togbare.

« Oui, mon ami », répondit-il, en palpant l’intérieur de sa poche pour toucher son crucifix.

Baynes leva son arme à feu avant d’ouvrir la porte qui menait au Temple. Elle tourna silencieusement sur ses gonds, et comme elle s’ouvrait, ils entendirent une voix masculine crier : « Elle s’est enfuie ! »

***

CHAPITRE XXII

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Sinister Tarot, Atu IX, Hermit. Christos Beest
Sinister Tarot, Atu IX, Hermit. Christos Beest

Denise était assise dans la voiture de Susan, devant la maison, lorsqu’elle eut une vision. Elle aperçut le bois, puis le chemin de campagne où Miranda avait garé la voiture de Baynes.

Elle conduisit jusqu’à la retrouver, guidée par son intuition. Une fois arrivée, elle sentit que les bois étaient un lieu dangereux, à la fois physiquement et magiquement. Elle marcha prudemment dans les empreintes que Baynes et ses deux compagnons avaient laissées dans la neige, s’arrêtant régulièrement pour s’immobiliser et écouter.

Plus elle s’enfonçait dans le bois, plus elle prenait conscience des forces élémentaires. Le bois était vivant pour elle — et elle dut fermer ses sens psychiques aux images et sensations innombrables qui l’assaillaient : une peur primitive l’incitant à fuir vers la route et la sécurité, des visages démoniaques qui la dévisageaient en riant et des formes épiant derrière les arbres et les buissons…

Elle comprit, tandis qu’elle avançait, que le Maître et ses disciples avaient édifié, avec leur Magie Sénestre, une barrière psychique pour protéger la forêt alentour, la maison et le Temple. Mais elle savait également qu’il y avait encore d’autres puissances que cet obstacle et que celles-ci s’efforçaient de le détruire. Elle vit dans son esprit un groupe assis en cercle, dans une pièce, une maison… Ils concentraient leurs pouvoirs sur Togbare — il était leur symbole ; son bâton était une épée magique s’appliquant, comme un aimant, à attirer les énergies de leurs rituels.

La prise de conscience de ces rites, et la prévoyance de Togbare qui les avait planifiés, la réjouissaient, alors qu’elle marchait dans le silence du bois.

Entrée dans la clairière, quelque chose l’incita à s’arrêter. Elle resta immobile plusieurs minutes. Ses capacités psychiques lui permirent de sentir la chouette avant de la voir. Et lorsqu’elle la vit, plongeant silencieusement vers elle, elle lui parla avec des mots comme de la musique douce. L’oiseau sembla planer au-dessus de sa tête, comme si elle l’écoutait, avant de s’éloigner sans bruit.

Elle approchait de la cabane lorsqu’elle entendit les chiens. Elle ne ralentit pas son pas, mais au contraire, elle alla directement à la porte et les découvrit accroupis dans un coin, comme prêts à bondir.

« Bonjour les petits ! », dit-elle doucement, sans peur. Ils grognèrent dans sa direction, mais ne l’attaquèrent pas. Cependant, ils ne la laissèrent pas non plus approcher. Lorsqu’elle se dirigea vers eux, ils montrèrent les dents et grondèrent comme s’ils étaient sur le point de l’attaquer. Elle retourna vers la porte et ils s’assirent sur la trappe, se contenant de la regarder.

Plusieurs fois, elle tenta de s’approcher, mais leur réaction fut, à chaque fois, identique. Apparemment, elle était incapable de rompre, avec sa magie blanche, la barrière qui les enveloppait.

Avec un soupir, elle s’installa pour attendre, s’efforçant de percer mentalement un trou dans la barrière magique qui protégeait les bois et le Temple, tout en espérant que la magie blanche à l’extérieur pourrait la briser et soutenir Togbare dans sa lutte.

Comme elle filait ses sorts mantriques, elle eut une vision de Baynes et ses compagnons qui entraient dans le Temple satanique.

***

Baynes fut le premier à entrer dans le Temple, mais Miranda et Togbare le suivirent bientôt.

Le Maître se tourna vers eux, comme s’ils les attendaient. « Bienvenue ! » dit-il.

Conrad vit Guedor passer par la porte et revenir en transportant Sanders vers l’autel.

« Tu nous as trahis ! », lui dit le Maître.

« Non, non ! … » protesta faiblement Sanders.

« Préparez-le. »

« Arrêtez ! », cria Togbare en levant son bâton.

Les membres de la congrégation se séparèrent, formant une allée conduisant au Maître.

« Nous devons commencer », chuchota Susan à l’oreille de Conrad.

Elle se tenait en face de lui, tenant ses mains comme elle l’avait déjà souvent fait, et Conrad comprit. Neil tenta de se mettre entre eux, mais Conrad le repoussa. Confus, le jeune homme s’éloigna pour se placer aux côtés de Togbare.

Guedor débarrassait Sanders de ses vêtements, tandis que Tanith se tenait à proximité, tenant deux couteaux.

« Arrêtez ! », dit à nouveau Togbare.

Le Maître tendit la main et son anneau brilla. Un rayon d’énergie en sortit pour atteindre Togbare, mais il fut absorbé par le bâton du Mage.

Le tétraèdre sur l’autel avait commencé à pulser avec des intensités de lumière variables ; le Maître se dirigea vers lui et posa les mains dessus. Le tétraèdre devint alors la proie de flammes dorées. De son côté, Togbare leva son bâton magique qui fut soudain auréolé de lumière.

Susan resserra sa prise sur les mains de Conrad, qui sentit soudain le pouvoir primal de l’abîme en lui. Il n’était plus Conrad, mais un vortex d’énergie. Il fut de nouveau dans l’obscurité de l’espace, sentant d’autres présences autour de lui. Il demeurait un écho de la tristesse qu’il avait ressenti auparavant, et puis la vision d’étoiles et de mondes étrangers, un monde au-dessus du monde, au-dessus du monde. Il devint brièvement le cristal sur l’autel, le Maître debout à côté de lui. Mais il y avait d’autres forces présentes autour de lui, qui essayaient de le renvoyer dans son corps terrestre et de refermer le portail qui était apparu, joignant l’univers causal et acausal où ses Dieux Sombres attendaient. Il se divisa en deux êtres en raison de ce conflit — une conscience individuelle pure prise dans le tourbillon de l’Abîme, entouré d’étoiles, et Conrad, debout tenant la main de sa maîtresse satanique dans le Temple. Son moi terrestre vit l’affrontement astral entre Togbare et le Maître tandis que leurs énergies transformées par la volonté étaient projetées, transformant la couleur aurique de leur adversaire. Il vit Tanith donner à Sanders un couteau. Il vit Guedor approchant de lui, brandissant le sien. Il vit la congrégation se rassembler autour du combat, excitée par la perspective du meurtre — Sanders tenta plusieurs fois de s’enfuir, mais la congrégation l’encercla à chaque fois, le repoussant toujours vers Guedor. Baynes, Neil et Miranda se tenaient à côté de Togbare, partiellement pris dans la luminescence de son aura.

Puis Conrad sembla de nouveau libre de se promener à travers les barrières qui séparaient les deux univers. Lui et Susan, ensemble, avaient été une clé de la porte de l’Abîme, sa propre conscience libérée par la puissance du cristal et par la magie du Maître. Il était libre et briserait le seul et unique sceau qui demeurait.

Dans le temple, la lutte ne dura pas longtemps avant de parvenir à sa conclusion. Sanders semblait possédé par l’atmosphère démoniaque du Temple et, attaqué à plusieurs reprises, il avait tenté de blesser Guedor avec son couteau. Mais à chaque fois Guedor avait esquivé. Sanders essaya de nouveau, plus vigoureusement, après que Guedor l’ait entaillé au bras. Il attrapa la main de Guedor, mais en retour fut poignardé par celui-ci dans la gorge.

« La troisième clé ! » cria Tanith triomphalement.

Le sang qui gicla de la plaie sembla se vaporiser pour former une image indistincte au-dessus de l’autel. Il devint le visage du Maître, de Conrad, d’un démon, de Satan lui-même.

Subitement, Neil arracha l’arme des mains de Baynes. Il tira, mais rata le Maître, et Baynes frappa Neil.

Togbare, hagard, regarda Baynes puis le maître. Il sentit à cet instant que la barrière satanique qui protégeait le Temple était brisée et une nouvelle puissance magique coulant vers lui, dynamisant son être et son aura. Il tendit son baton vers le maître envoyant des rayons d’énergie magique. L’attaque atteignit sa cible et l’énergie aurique autour du Maître ainsi que la forme au-dessus de l’autel disparurent. Mais Baynes bondit pour arracher le bâton et le briser sur son genou.

L’aura autour de Togbare vacilla, puis disparu. Mais le vieil homme était trop rapide pour Baynes, il se pencha pour récupérer une partie de son bâton qu’il jeta en direction du cristal. Brisé, le cristal explosa, plongeant le Temple dans l’obscurité.

Il ne restait alors plus d’énergie magique, et Togbare ramena calmement Miranda et Neil dans le tunnel jusqu’à la cabane. Les chiens s’en étaient allés tranquillement lorsque le cristal avait été brisé, laissant Denise libre d’ouvrir la trappe, mais, quand Togbare et les autres arrivèrent, elle réalisa Neil était devenu fou.

Togbare lui sourit comme elle refermait la trappe, puis il tomba doucement sur le sol. Elle n’avait pas besoin de vérifier son pouls, mais le fit néanmoins, tandis que Neil penché au dessus, bavait.

Togbare était mort, et au-dessus des arbres, le grand-duc lança son cri.

***

L’obscurité dans le Temple avait duré moins d’une minute, au terme de laquelle le Maître et Tanith avaient disparu. Conrad regarda autour et vit Baynes marcher vers lui. La congrégation se tenait toujours autour du corps de Sanders, regardant Conrad et attendant, tout comme Susan elle-même regardait et attendait.

Sans parler, Baynes saisit la main gauche de Conrad et se pencha pour embrasser sa bague, dans un geste de soumission. Et soudain, Conrad comprit. Il était non seulement Conrad, mais également un canal, un lien entre les mondes. Il serait, de ce fait, l’Antéchrist et avait seulement besoin de développer ses pouvoirs magiques, déjà en plein essor, pour que la Terre devienne son domaine. Par ce sombre rituel, une nouvelle Bête était née, prête et déterminée à hanter la Terre. Encore quelques cérémonies et ses légions d’envahisseurs seraient prêtes.

Son rire résonna dans le temple.

***

ÉPILOGUE

***

 Des barreaux à la fenêtre? Neil secoua la tête comme s’il échouait à se souvenir, avant de retourner s’asseoir. La télévision était allumée, comme elle l’était toujours durant la journée, et il se mit à fouiller des yeux la pièce sale, enfumée. Il ne savait pas ce qu’il regardait, mais plusieurs heures passèrent.

De temps à autre, il se levait de sa chaise pour examiner la salle autour ou pour regarder par la fenêtre. Une fois, quelqu’un lui apporta des comprimés et il les prit sans parler. À un autre moment, il traversa la pièce pour aller voir deux de ses compagnons qui jouaient au billard sur une table usée, avec des queues qui n’étaient pas tout à fait droites. Mais ni le jeu ni eux ne l’intéressèrent et il retourna sur son fauteuil, plongé dans sa stupeur.

Baynes l’avait observé brièvement, avant de rejoindre le psychiatre dans la petite pièce étouffante qui se trouvait à l’extrémité de la salle.

« Oui, en effet, dit l’homme, un cas embarrassant. »

« Et est-ce qu’il a mentionné mon nom ? »

« Une seule fois, il y a quelques jours, lorsqu’il a été admis. Il a dit quelque chose à propos d’un grand-duc, mais ça n’avait pas beaucoup de sens. Vous l’avez déjà rencontré, je crois ? »

« Oui. Il était étudiant à l’Université. Il prenait de la drogue, du moins je le suppose, et s’intéressait à l’occultisme — ce genre de chose. Il voulait emprunter de l’argent. Il tenait des propos délirants à propos d’une conspiration. »

« Eh bien », l’homme tâta le dossier qui contenait des notes sur le cas psychiatrique de Neil, « je ne vais pas vous retenir plus longtemps. »

« Il reçoit un traitement, alors ? »

« Bien sûr, des médicaments pour le moment – mais demain, nous allons commencer l’ECT. »

« La thérapie par électrochocs ? », demanda Baynes.

« Oui. »

Baynes regarda Neil et sourit.

« S’il y a quelque chose que je peux faire pour vous aider », dit-il d’un ton convenu au docteur, en se levant.

« Nous avons noté votre adresse. »

« Alors, au revoir. »

Neil n’eut pas un regard pour Baynes, alors que celui-ci traversait la salle pour gagner la porte, empruntait les escaliers et sortait dans la lumière du jour.

Le soleil réchauffait un peu l’air, mais insuffisamment pour faire fondre toute la neige. Denise se tenait près d’un grand hêtre, dans le parc de l’hôpital. Elle regarda Baynes partir. Elle le connaissait suffisamment pour ne pas essayer de le suivre et retourna à sa voiture où Miranda attendait, endormie.

Miranda ne se rappelait rien des événements qui avaient eu lieu dans le Temple, mais en utilisant ses capacités psychiques, Denise commençait à les comprendre. Elle ignorait ce qu’elle pouvait faire, ni même si elle pouvait faire quelque chose. Tout ce qu’elle savait, c’est qu’elle devait essayer.

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