L’envoûtement par Dagyde | Rat Holes 2

L’envoûtement par Dagyde

Cet article compile quelques extraits de l’ouvrage Le mystère des envoûtements, par Catherine Flusin-Gerber, De Vecchi, 2009.

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Le mot « envoûtement » est basé sur la racine latine vultus (la figure, le visage, la face), Il désigne en fait les figurines de cire ou d’argile intégrant souvent des éléments du sujet (cheveux, ongles, sang, salive, sperme…) utilisées dans l’Antiquité pour la pratique des rituels. Le terme francisé est devenu voult. C’est celui que l’on retrouve le plus souvent pour désigner le support d’envoûtement. On trouve souvent également dans la littérature ésotérique contemporaine le terme de dagyde, qui désigne une poupée de tissu ou de cire (dagus, udos, grec ancien : poupée magique).

[…] Le mot « dagyde »apparaît dans la littérature du XIXe siècle où il remplace celui de « voult ». Il s’agit pourtant d’un terme grec ancien. Au début du IIIe siècle av. J-C, Théocrite, dans son poème Pharmateucria (« Idylle des sorts », souvent appelé aussi La magicienne) qui prend la forme d’une prière à Hécate, utilise le mot « dagus » pour désigner une poupée sorcière destinée à jeter des sorts (Théocrite, Idylle, II, I 10). Le texte le plus précis définissant la dagus comme poupée sorcière est d’Hesychios d’Alexandrie qui écrivit un Lexique (dictionnaire) au VIe siècle de notre ère. À Athènes, le terme servant à désigner les poupées de cire est « plangôn ». Le mot « dagyde » fut intégré au Complément du dictionnaire de l’Académie française en 1847.

[…] L’envoûtement pratiqué par l’intermédiaire d’une sculpture d’argile encore de bois, de cire, ou de tissu est probablement le type le plus ancien, puisqu’on peut le faire remonter au paléolithique supérieur, c’est-à-dire il y a environ 35 000 ans. C’est également le type le plus utilisé sur toute la planète après l’envoûtement direct. On y a recours aussi bien pour les envoûtements maléfiques (maladies, accidents, morts) que pour les envoûtements de guérison (il s’agit alors plutôt de transfert), ou encore de magie amoureuse.

On parle également d’envoûtement par statuette, poupée ou encore voult. Le principe est d’utiliser la figurine comme intermédiaire et focalisateur de la volonté du sorcier (on parle parfois de condensateur, ou encore de matière condensatrice), en rendant celle-ci active en l’assimilant à la victime par divers procédés qui vont de la simple nomination à l’inclusion d’éléments corporels.

L’envoûtement commence par la fabrication de la figure. La tradition médiévale, probablement inspirée par la kabbale juive, fait qu’aujourd’hui encore la dagyde est généralement modelée dans de la cire. Mais elle peut tout aussi bien être en bois, en pâte à modeler ou, comme dans la tradition chinoise, en papier ou en paille tressée. La phase de fabrication peut se faire, selon la tradition suivie, soit n’importe quand, soit au contraire en respectant les alignements célestes en fonction de l’action recherchée (voir le chapitre « Les concordances » dans l’ouvrage Le Mystère des envoûtements). Acheter une poupée toute faite dans le commerce est un non-sens, la fabrication faisant partie intégrante du rituel, et surtout la sensibilisation de la dagyde, impliquant l’intégration d’éléments particuliers à celle-ci. L’essentiel est que la concentration de la sorcière soit totalement tournée vers ce qu’elle est en train de réaliser.

La statuette sera de préférence sexuée, mais ne doit pas nécessairement ressembler réellement à la victime. La plupart des statuettes antiques n’ont d’ailleurs qu’un visage à peine ébauché. Certaines sorcières incorporent à la figurine des éléments destinés à amplifier le maléfice (insectes, plumes, crachats, fragments d’os, etc.).

Flusin-GerberL’étape suivante consiste à sensibiliser ou encore personnaliser la figurine. On emploie souvent le terme d’animer au sens premier du mot –animus : âme. Elle débute généralement avant la fin même de la première étape, par l’intégration d’éléments corporels de la future victime (cheveux, poils, rognures d’ongles, sang ou menstrues, sperme, salive) et se poursuit en gravant le nom de la personne visée sur le corps de la statuette, ainsi que sa date et éventuellement son lieu de naissance, en habillant celle-ci avec du tissu pris sur un vêtement ou un accessoire lui appartenant (lingerie, bas, mouchoir), en y ajoutant un bijou personnel ou un pendentif représentant son signe zodiacal, voire en la faisant baptiser. Un portrait photographique récent peut soit être placé à l’intérieur de la figurine, soit être intégré au visage de celle-ci. De même, une lettre manuscrite ou encore un dessin peut être un « témoin » intéressant. De plus en plus souvent. Les sorcières intègrent à leur voult des huiles essentielles, des plantes ou encore des pierres en rapport avec le but recherché. Les adeptes de la numérologie et/ou du tarot peuvent également utiliser une des lames majeures pour identifier la personne. Le prénom et le nom ou bien encore la date de naissance fournissent selon le principe habituel de la numérologie un chiffre compris entre 1et 22 (le nombre de lames majeures) correspondant à une des cartes recherchées.

Au cours de la dernière étape, on procède à la charge ou au transfert proprement dit : l’envoûtement de la dagyde. L’image qui vient immédiatement à l’esprit est celle des aiguilles plantées dans le corps miniature. Elle correspond effectivement à ce que l’on fait dans le cas d’un envoûtement maléfique visant à rendre la victime malade ou stérile, ou encore à la tuer. Toutefois, dans le cas d’envoûtement d’amour ou encore d’aide à la guérison, il en va tout autrement. Dans le premier, on oint la figurine avec des huiles spécifiques sur la région du cœur et autour du mont de Vénus, et dans le second la zone malade. Dans le cas d’une aide à la fécondation, l’huile est remplacée par du sperme. Le plantage d’aiguilles n’est pas le seul supplice que l’on peut pratiquer. Les entailles, les brûlures, les coups et les souillures sont également employés.

Cette opération s’accompagne de paroles exprimant clairement la volonté de la sorcière. Tout comme pour les concordances, ces paroles et les gestes qui les accompagnent (tracé de cercle, fumigation, allumage de bougies, etc.) dépendent fortement de la tradition à laquelle la sorcière se rattache. Dans la sphère des gens du Livre (chrétiens, juifs et musulmans) des extraits de la Bible, de la Torah ou du Coran peuvent être utilisés. Les kabbalistes feront appel aux 72 anges servants : les satanistes invoqueront les démons de la Goétie ; les énochiens se serviront des tables de John Dee en demandant l’aide de l’Heptarchia Mystica et en gravant divers sceaux sur le voult ; les néo-païens se référeront plus facilement à des divinités antiques ou à des esprits de la Nature en reprenant d’anciennes prières, en les adaptant à leurs besoins ou encore en les composant eux-mêmes.

L’opération de charge est généralement réalisée de nuit, parce que c’est pendant son sommeil que la victime sera la plus réceptive. Pour une plus grande efficacité, elle est répétée plusieurs nuits de suite la dagyde étant cachée aux regards des tiers en journée. Lorsque la sorcière considère que la charge est suffisante, la dagyde doit être placée dans un lieu où elle ne pourra être ni trouvée ni détruite, On peut ainsi l’enterrer dans un coffre, ou bien encore l’emmurer, à moins d’avoir un endroit particulièrement sûr dans son occultum, par exemple.

Extrait de l’ouvrage Le mystère des envoûtements, par Catherine Flusin-Gerber, De Vecchi, 2009.



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