Le Rite et les Egrégores | Rat Holes

Le Rite et les Egrégores

Ce texte est extrait de l’ouvrage : Vie mystique et kabbale pratique de Virya, paru aux éditions Georges Lahy en 1994.

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L’accomplissement de tous les actes magiques est soumis à un rite, dont chaque point précis a une grande importance. La qualité des mots, des écrits, des ingrédients et des attitudes est fondamentale dans l’accomplissement de tout rituel. Le rite est l’inverse de la prophétie car il est tourné vers le passé, alors que la prophétie contemple l’avenir. La réalisation d’un rite permet de se mettre en phase avec un instant important du passé. Par exemple, une fête religieuse place, par le rite, les croyants en harmonie avec un événement fort de leur histoire. La notion d’égrégore y est fondamentale, car c’est lui qui réagit à la qualité du rite.

En arrière plan de tous les cercles spirituels ou profanes, se cachent des forces subtiles dont les puissances peuvent être, dans certains cas, inimaginables. De ce fait, l’harmonisation des courants de pensées initiatiques et religieux, ne dépend pas uniquement d’une synthèse intellectuelle ; des problèmes occultes beaucoup plus profonds et délicats se posent. Les magiciens savent qu’il est bien plus important d’harmoniser les forces de la pensée aux niveaux subtils que dans la matière, bien que leurs relations soient inextricables.

Un cercle de conviction, religieux ou autre, scelle par son existence une énergie alimentée par les formes-pensées de ses membres. Toutes ces pensées émises forment, dans les plans subtils, des énergies qui gravitent autour de leurs raisons d’être. De cette manière, toutes les pensées dirigées en harmonie vers un même but, s’additionnent et s’agglomèrent pour ne former qu’un tout. Cet agglomérat d’énergies subtiles porte communément le nom d’égrégore (1).

Un égrégore est la synthèse d’une force collective, il contient les buts, les espoirs et les désirs de l’ensemble des individus qui s’y rattachent. Cette force créée n’est pas uniquement mystique, il existe des égrégores pour tous les groupes de personnes formés, évolutifs ou involutifs, spirituels ou profanes. Il faut toutefois noter que seuls les égrégores spirituels sont volontairement alimentés, entretenus et utilisés (les groupes de magie noire s’appuient aussi sur le mouvement de leur égrégore). Les autres existent, parce que la nature répond à des lois, mais ces égrégores ne sont pas structurés et donc difficilement contrôlables.

Il n’y a pas de mot hébreu qui corresponde directement au mot égrégore, le plus vraisemblable serait « Malakh » (מאלך) . Ce mot désigne généralement un ange et veut littéralement dire « messager », c’est-à-dire intermédiaire ; un égrégore joue aussi le rôle d’intermédiaire entre l’esprit et la matière, les membres du groupe, le visible et l’invisible. La tradition enseigne que lorsque dix personnes se réunissent pour prier, elles créent un ange (malakh). Les dix personnes réunies s’appellent un « Minyan » (מנין), c’est le nombre minimum de personnes nécessaires pour accomplir certains rites et réciter certaines prières (Kaddish). Ainsi, la prière d’un Minyan forme un Malakh (un égrégore), dont la vocation et l’énergie sont motivées par la Kawanah (intention) du groupe. Si ce malakh (ange-égrégore) est régulièrement dynamisé, il grandira en énergie et deviendra de plus en plus puissant ; dans le cas contraire il s’épuisera. Les qualités du Malakh formé seront scellées par un nom, un sceau magique, des couleurs, des parfums et des invocations, que les membres du groupe utiliseront pour mettre en action la force de leur Malakh. Si ce malakh est bien entretenu, les générations suivantes pourront continuer à l’utiliser, ceci grâce au rite perpétué de générations en générations. C’est pourquoi, les invocations angéliques sont encore utilisées de nos jours, à plus ou moins bon escient. Il faut tout de même savoir qu’il est inutile d’invoquer un ange dont l’énergie s’est dissipée, ou a été absorbée par un autre ange. Pour utiliser la force d’un Malakh, il faut avoir reçu une filiation par une transmission initiatique sinon, la machine tourne à vide. Certains kabbalistes ont vu, dans la fabrication du Golem, la constitution d’un égrégore dont le support serait une statuette d’argile rouge consacrée et animée par un rituel. Gershom Scholem parle quant à lui d’âme collective : « Ce Golem est une partie de l’âme collective matérialisée du Ghetto, avec tous les côtés sombres du fantomatique, en partie un sosie du héros, un artiste qui combat pour la rédemption par lui même et qui purifie messianiquement le Golem, son propre moi non racheté… » (La Kabbale et sa symbolique).

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La vie de l’égrégore

Le nom égrégore vient du fait qu’il désigne l’agrégation de forces psychiques générées par un courant spirituel. C’est une force synthétique qui doit être régulièrement alimentée par des énergies en harmonie avec son niveau vibratoire. Chaque égrégore vibre à son propre rythme vital, selon son propre code de vie. De cette façon, seules les personnes en unité avec ce mouvement vital, et se pliant à ce code d’harmonie, pourront alimenter ou utiliser la force. Un égrégore ne vit pas seulement des rites et des énergies produites par un cercle d’humains, des entités occultes viennent s’y rattacher progressivement. Ceci, en réponse à une loi d’attraction liée au degré vibratoire de ces entités. D’un point de vue purement occulte, la vie d’un égrégore est essentiellement subtile, sa concrétisation matérielle est minuscule, mais indispensable. Dans un sens, un égrégore est un être artificiel (Golem) hors de la perception visible. Son image est celle que lui ont donnée ses membres par leur foi, leur dévotion, leur enthousiasme et parfois leur fanatisme.

Sans qu’on s’en rende compte, les grands égrégores bons ou mauvais, de notre humanité règlent la vie de notre planète depuis la nuit des temps. Une parfaite connaissance de la vie des égrégores qui nous dirigent permet de prévoir, et même de modifier, le cours des événements sur la terre. II existe, toutefois, des égrégores très anciens dont les rites ont disparu et qui n’obéissent plus du tout aux groupes qui les ont créés ; ils sont en quelque sorte retournés à l’état sauvage et se dissolvent progressivement. D’autres, devenus trop puissants, s’émancipent et se comportent comme de véritables tyrans. Ils arrivent, progressivement à neutraliser le libre-arbitre de leurs membres, en les poussant à commettre des actes les dépassant. A la lumière des mystères du monde occulte, notre histoire prend un tout autre aspect.

Les égrégores de groupes profanes (2) n’ont pas d’alimentations volontaires et rigoureuses et peuvent disparaître assez vite. D’un point de vue magique, un égrégore ne peut devenir véritablement vivant que si des rites le vitalisent à intervalles très réguliers ; voire continu si l’on souhaite le rendre plus puissant. Ceci explique pourquoi, seuls les cercles humains à caractère rituélique, génèrent des égrégores qui durent indéfiniment, tout au moins fort longtemps.

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Le rôle du rituel dans la vie de l’égrégore

Les traditions religieuses les plus anciennes ont toujours respecté un art rituel très sérieux ; la conception de ces rituels n’est nullement l’effet du hasard. Au sein de tous les grands mouvements, il y a toujours eu des initiés capables d’établir un processus de dynamisation de l’égrégore, les cohanim autour du Grand-Prêtre dans le Temple de Salomon en sont un exemple. Même si pour le profane un rituel, par ses mots et ses gestes, semble anodin, il renferme en vérité d’authentiques clés magiques.

Le simple effet de la prière collective représente parfois l’essentiel de la « charge » d’un égrégore. Dans ce cas, la force de l’égrégore repose sur la grande quantité de membres en prière. Par contre, un groupe beaucoup plus restreint d’initiés sachant parfaitement manier les énergies, pourra générer une force occulte toute aussi puissante, si ce n’est plus car mieux contrôlée. D’où l’importance d’un rituel rigoureusement construit et parfaitement reproduit.

Généralement, un grand égrégore démarre sous l’impulsion du fondateur d’une tradition. Si ce premier patriarche est suffisamment averti, il peut le construire de toutes pièces. Mais il est possible, et c’est généralement le cas, d’absorber ou de revitaliser un égrégore déjà existant. Parfois, un grand égrégore se scinde en plusieurs autres mais, dans ce cas, un lien intime est gardé. Ceci explique qu’une grande religion soit constituée de plusieurs branches. On le comprend en suivant l’évolution d’une créature céleste à travers les différents courants, la force de base est la même, mais ses qualités et ses représentations changent.

II suffit, pour comprendre ce processus d’absorption ou de dilution, de suivre l’évolution du Malakh Mikaël : On retrouve cet ange dans la mystique juive, désigné comme l’un des sept princes célestes et son rôle y est très important. Les religions Abrahamiques ont toutes conservé cette grande force, mais lui ont donné des spécifications particulières dans chaque cas. Il est devenu le Mik’aïl musulman et l’archange Michel du christianisme. Le Michel de la chrétienté n’est pas la simple reproduction du Mikaël hébraïque. Le christianisme primitif a rencontré, lors de son développement, d’anciennes croyances de natures diverses. Les anciens dieux ne furent pas immédiatement exclus par les chrétiens, il en reste d’ailleurs d’importantes traces. De subtiles manœuvres provoquèrent leur absorption à l’intérieur de ce nouvel égrégore qui s’émancipait. Dans un premier temps, les divinités locales furent jumelées au calendrier des saints et des fêtes chrétiennes. Ainsi, en ce qui concerne les traditions de Grèce et de Rome, Michel fut associé à Hermès et Mercure. Le calendrier marqua alors, Michel-Mercure. Puis progressivement, les chrétiens en s’affirmant, firent disparaître l’ancien dieu, pour ne plus nommer que Michel. Il en fut de même avec le Lug des gaulois, dont Michel reçut toutes les qualités. Mithra subit le même sort et c’est pour cette raison que les anciens lieux de culte du mithraïsme sont encore de nos jours consacrés à saint Michel (le Mont saint Michel en est un exemple). L’expansion en puissance, à travers les âges, de l’énergie de Mikaël laisse deviner qu’elle aura, sous ce nom ou un autre, sa place dans une religion future.

Lorsque l’on parle d’absorption de l’énergie d’un égrégore par un autre, il ne s’agit pas toujours de la disparition de l’ancien égrégore. Deux cas de figures sont envisageables : soit un égrégore absorbe entièrement un autre, il y a alors fusion, soit une branche d’un égrégore s’émancipe, et n’emporte alors que les forces-germes qu’il développera comme il l’entend. Ainsi, le christianisme et l’islam n’ont pas vidé l’égrégore israëlite de sa substance « Mikaël », ils n’en ont pris que les semences pour aller semer ailleurs. Dans le domaine de la religion, il s’agit maintenant d’entités complètement différentes vibrant dans les deux mondes inférieurs : de l’Action (Assiah) et de la Formation (Yetsirah). Par contre, il n’y a toujours qu’une seule force dans le monde de la Création (Beriah).

Une règle magique veut que lorsque deux égrégores se rencontrent ou s’opposent, le plus puissant et dynamique finisse par absorber le plus faible (ceci peut être parfois rapide, mais il faut normalement plusieurs décennies ou siècles). De plus, la loi d’évolution de la nature veut que le plus jeune ait un avantage sur le plus vieux. D’où l’importance de faire évoluer et de rajeunir son égrégore. Les réformes et les remises en question sont les garanties de pérennité d’une tradition. Si les égrégores en présence sont aussi puissants l’un que l’autre, il en résultera un très long conflit qui se matérialisera en guerres froides, ou parfois directes entre les personnes rattachées a ces courants. Ceci explique tout les conflits religieux que l’on connaît depuis des millénaires, qui entraînent les guerres, les génocides, le racisme, les conversions forcées, etc.. Des commentaires de textes mythologiques montrent très bien ces mouvements d’égrégores, j’ai parlé ici des traditions d’occident, mais j’aurais pu le faire avec le bouddhisme. Lorsque le maître Padma Sambhava (3) introduisit le bouddhisme au Tibet, il convertit d’abord tous les démons et les divinités tutélaires à sa cause. Ceci, parce qu’il utilisa l’égrégore de la vieille religion Bôn-Po, afin que le conflit magique ne soit pas trop meurtrier.

Un égrégore n’est pas uniquement constitué par les formes-pensées humaines, des entités plus ou moins élevées y sont rattachées. De nombreux élémentaux des différents règnes de la nature en font aussi partie. Un égrégore est une véritable communauté occulte, dont la vie est à la fois physique (par ses membres humains) et subtile (par ses entités célestes). Si un égrégore est parfaitement bien constitué, il dispose de plusieurs corps, étages dans les différents mondes occultes, d’où l’importance d’un rituel réfléchi et bien perpétué.

Le rythme de vie d’un égrégore dépend, en grande partie, de la régularité des rituels l’alimentant. L’élaboration de ce rituel doit toucher, par chacun de ses mots ou de ses silences, chaque cellule constitutive de la communauté vibratoire. C’est un véritable plan de vie, avec lequel on ne peut se permettre le moindre écart. La plus petite modification de cette rituélie perturbe le mouvement vibratoire lancé à cet instant. Vue sous cet angle, on comprend qu’en Inde il arriva que des Brahmanes se suicident après avoir « bafouillé » sur des syllabes du rituel (4). C’est surtout pour cela que la direction du rituel est confiée à une personne d’expérience, et de préférence au courant de certaines clés essentielles qui passeront inaperçues aux yeux des non initiés.

Un rituel bien constitué est rempli de noms divins, de mots de puissance, de définitions rituelles consacrées, que les simples croyants ne regardent qu’en tant que prières, invocations, dévotions représentatives de leur foi. En fait, l’égrégore et les entités le constituant, répondent à des mots-clés les dirigeant et les appelant. La simplification et l’épuration de certains rituels modernes ont sérieusement abîmé le mouvement des égrégores religieux.

L’ignorance des lois magiques laisse tous les grands égrégores de notre humanité à l’abandon, même si la foi certaine des fidèles persiste. Ceci nous indique qu’ils s’affaiblissent et que de nouvelles croyances, plus dynamiques, viendront les absorber. La vie sensible essentielle d’un égrégore est assurée par la masse des fidèles, mais la structure active ne peut être assurée que par des initiés, parmi les plus qualifiés et les plus sûrs. Pour cette raison, des cercles sont constitués dans lesquels les rituels sont beaucoup plus techniques et complexes. L’éveil et la mise en action de cette énergie dépassent de beaucoup le simple croyant, et parfois pourrait même le choquer. De plus la responsabilité d’un égrégore est lourde à porter, les initiés en ayant la charge ne peuvent se permettre aucune erreur, autant durant le rituel que dans leur vie de tous les jours.

Un égrégore répond aux lois les plus simples de la nature, il vibre différemment durant les grandes périodes cosmiques, qu’il subit comme toute chose vivante. C’est pour cette raison, qu’en plus du rituel régulier, s’accomplissent d’autres rites plus importants à des époques très précises. Généralement, ces grandes cérémonies ont lieu aux équinoxes, aux solstices, aux pleines ou aux nouvelles lunes. La marche des astres est aussi observée. Ces moments sont généralement favorables à la régénération d’une énergie. Par contre, il existe des périodes cosmiques où ces forces s’affaiblissent. Il devient donc nécessaire que les membres se mettent en action, afin que leur égrégore ne devienne pas trop vulnérable.

Être rattaché à un égrégore comporte des avantages certains, mais aussi des inconvénients qu’il faut ne pas négliger ; les uns ne pouvant aller sans les autres.

Parmi les avantages on relève que : le membre profite de l’élan dynamique des générations passées, et parfois d’une force ascensionnelle importante (tout dépend de la qualité de l’égrégore), il bénéficie d’une protection sur tous les plans et en cas de besoin il profite de l’aide énergétique de tous les membres ; le fait d’être initié dans un égrégore rend les clés magiques actives.

Mais il existe aussi des désavantages, car : le membre perd son indépendance, il subit les mouvements de faiblesse de son égrégore, si l’égrégore n’est plus maîtrisé, il voit sa liberté d’action se restreindre. Il est souvent difficile de quitter un égrégore (à moins de s’en faire chasser : H’érém, excommunication, etc..) et les personnes désirant le faire se trouvent parfois exposées à de gros problèmes.

Il existe heureusement des méthodes magiques pour quitter un égrégore sans trop de problèmes. Toutefois, ces méthodes sont un peu complexes si on ne les connaît pas, le plus simple est d’aller se réfugier quelques temps dans un autre égrégore.

Extrait de Vie mystique et kabbale pratique, Virya, éditions Georges Lahy, 1994.

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Notes :

(1) On trouve par fois ce mot écrit « eggrégore ». L’origine du terme est assez difficile à retrouver. On pense qu’il provient des livres sacrés de hourrites de Cilicie et qu’il migra dans le grec et l’araméen, langues qui étaient utilisées dans cette province. Dans ces deux langues, le terme signifierait « veiller », « surveiller ». D’un point de vue hébraïque, cette signification est tout à fait intéressante, car j’ai signalé à la page 31 de ce livre, que A. Jellinek voyait la racine « natar » comme origine du nom Métatron. Natar veut dire « veilleur », « surveillé », ainsi Métatron le maître des anges, serait donc le maître des égrégores. On propose aussi une source égyptienne car « gre » signifie « silencieux ». On dit d’ailleurs en faisant allusion à un égrégore « le veilleur silencieux ».

(2) Par égrégores profanes, il faut entendre : mouvements politiques, groupes de supporters sportifs, clubs divers, groupes de pensée, etc.

(3) Ref. Le livre tibétain de la grande libération, W. Y. Evans-Wentsz, éditions Adyar 1972, pp. 184 à 187. Il est étonnant de trouver dans ces enseignements des mentions telles que « 42 divinités pacifiques », rappelant le « nom en 42 lettres » ou bien « 32 dakinis » qui évoquent nos 32 Sentiers de la sagesse.

(4) Cette histoire est mentionnée dans les Upanishads, mais il s’agit d’un cas unique.

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