Interview with Lament, Version Originale | Rat Holes 1

Entrevue avec Lament

Composée d’un seul et talentueux membre, la formation de Funeral Doom/DSBM Lament, fondée le 1er juillet (Anno Satanae 2015), est sur le point de sortir son premier album : Suicide Eve. Marek a accepté de répondre aux questions des rédacteurs de Rat Holes.

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Bonjour Marek et merci d’avoir accepté cette entrevue. Pour commencer, pourrais-tu nous dire quelques mots de ton parcours musical ?

Bonjour, c’est moi qui dois te remercier pour cette entrevue. Mon parcours musical a commencé en 2012, lorsque je me suis mis à la guitare et au chant pour jouer des morceaux de Metal Gothique. Depuis lors, j’ai pas mal avancé sur ce chemin, comme c’était prévisible et comme ce projet le démontre. J’ai découvert de nombreux groupes et exploré plus avant ceux que je connaissais déjà, ce qui m’a conduit là où j’en suis aujourd’hui. En d’autres termes, je suis en évolution constante, ce qui est finalement tout à fait normal, n’est-ce pas ?

De quels instruments joues-tu ? Et quel est ton moyen d’expression favori ?

Je joue de la guitare, de la basse, du piano, un peu de batterie et je chante. Si je devais choisir mon moyen d’expression favori… Je dirais que j’apprécie particulièrement la guitare et le chant, et c’est d’ailleurs ce que je pratique le plus.

Qu’est-ce qui a motivé la création de Lament ?

La création de Lament est, pour moi, un manifeste. Une initiative solitaire pour déchirer l’image brillante, mais illusoire du monde – une démarche personnelle, l’incarnation pure de mes réflexions privées sur son atrocité. Contempler l’inéluctabilité de la mort – un thème classique qui demeure une source d’inspiration pour beaucoup -, je suis en train de trouver la paix et la beauté en elle, et Lament est l’une des façons de le faire – pour ainsi dire, c’est comme jouir d’une valse fatale avec la mort en étant conscient de l’inévitable lorsque la musique s’arrête (rires).

Tu dirais donc que ton art est plutôt une façon de conjurer la mort / les ténèbres ou de les rendre désirables ? Une catharsis ou un hymne ?

Je dirais les deux. Il ne faut pas avoir peur de la mort et en pactisant avec elle, il faut l’accepter, non comme la fin – mais plutôt comme un moyen de passer au-delà des frontières.

Lament02En dehors de la mort elle-même, quels thèmes abordes-tu dans les textes ? Et pourquoi ce titre Suicide Eve ?

Les textes décrivent ma propre vision de la vie – en ce compris la dépression, la haine, la souffrance. Mais ils se réfèrent également à une compréhension particulière de l’existence, à la façon dont de nombreuses philosophies se mêlent les unes aux autres pour former le miroir par lequel vous regardez le monde. C’est une idéologie personnelle, vraiment difficile à expliquer.

Concernant le titre… Je considère le suicide comme un choix personnel, la traversée de la frontière vers l’inconnu, la gnose. Eve correspond à la veille, le jour d‘avant – mais chaque jour n’est rien d’autre qu’un court moment dans la vie. Donc, on peut interpréter Suicide Eve comme l’état d’esprit juste avant la mort – mais également juste avant une grande libération -, dans la peur et le désir de quelque chose de beau, mais encore incertain.

Je vois. L’instant glacial précédant celui où la balle perfore le crâne. Penses-tu que ce moment d’entre deux souffles (ou juste avant le dernier) est une métaphore de la musique qui est elle-même un art profondément lié au temps, à la fois comme flux et comme suspension – sans oublier le silence entre les notes. Et, une fois de plus, le temps est-il l’ennemi ou l’allié ? La musique est-elle un sursis ou une porte vers le silence ?

Incontestablement. Le fait que la musique soit liée au temps jette beaucoup de lumière, ô ironie, sur son utilisation comme médium artistique. Elle peut être une métaphore à la fois pour une vie entière ou un court instant de cette vie. L’écoulement du temps a des conséquences positives comme négatives, donc je ne pense pas que nous puissions définir sans ambiguïté le temps comme un allié ou un ennemi. La musique semble être un sursis repoussant le silence, lorsque vous en avez besoin pour exister, et la porte vers le silence, lorsque vous désirez embrasser le silence lui-même – et parce que c’est plus difficile, écouter de la musique peut être une bonne préparation pour cela.

Question incontournable : quelles sont tes influences (musicales et autres) ?

Je suis content que tu me la poses (rires). J’ai commencé à composer de la musique à cause de l’héritage de Dissection. La première chanson que j’ai apprise était Night’s Blood – en l’écoutant je me sentais comme dans l’épicentre de « l’orage contre le fléau de la lumière » [NDT : « Storm of the Light’s Bane », un titre de Dissection] – une pure et glacée atmosphère nocturne. Le groupe portugais Moonspell m’a également beaucoup influencé, en particulier leurs textes. Frédéric Chopin et Ludwig v. Beethoven sont parmi ceux dont la musique classique m’a particulièrement inspiré, lors de promenades solitaires. Je peux également citer Funeral Tears – un groupe qui m’a fait apprécier le genre Funeral Doom (je le recommande vraiment pour accompagner des contemplations), Deathstars et Type O Negative. Pour l’atmosphère, Saturne et Doom : VS – pour de l’excellent Doom Mélodique, Tiamat… Il y en a beaucoup d’autres bien sûr, avec des compositeurs tels que Tchaïkovski, Shostakovich, mais tous les mentionner prendrait au moins un siècle.

En dehors des influences musicales, j’apprécie les approches et les idéologies de F. Nietzche, A. Schopenhauer et, bien sûr, la Chaosophie.

Une citation que tu aimes particulièrement de Nietzche, Schopenhauer ou Frater Nemidial ?

« La vie sans musique est tout simplement une erreur »… Je plaisante. La citation appropriée serait : « Si tu plonges ton regard dans l’abîme, l’abîme te regarde aussi ». Une référence parfaite de Nietzche à la Chaosophie.

Concernant Frater Nemidial, je renverrai simplement à Reinkaos et au Liber Azerate. En extraire simplement une ou deux citations me semblerait un manque de respect envers lui et son œuvre.

Dans quelles conditions est-ce que tu composes ? Tu t’isoles ? Tu écoutes de la musique ? Du silence ?…

Le processus créatif présidant à la composition, qu’il s’agisse de musique / de texte / de peinture, est permanent. J’écoute de la musique presque tout le temps, mais il y a des périodes durant lesquelles j’aime le silence. Ensuite, je m’offre une longue et sereine marche sous la pluie ou dans le brouillard, afin de laisser les sentiments s’épanouir. Au retour et généralement après une courte méditation, je m’isole et je commence à écrire jusqu’à ce que je sois satisfait du résultat.

Comment s’est déroulé l’enregistrement de l’album ? Tu peux dire quelques mots de la pochette ?

L’enregistrement a été réalisé en partie dans mon home studio, où j’ai également réalisé le mastering, et chez un ami pour les parties de batterie. J’ai rencontré quelques problèmes, principalement techniques et pendant plusieurs jours, j’ai eu des problèmes de gorge, ce qui m’a incité à reporter la sortie de l’album. Je voulais être certain que le son de Suicide Eve corresponde parfaitement à ce que je désirais.

À propos de la pochette – Je n’étais pas fixé, au départ, sur ce que devait être la représentation graphique de l’album, j’ai cherché pendant longtemps, mais dès je suis tombé sur cette photo, j’ai su qu’elle en refléterait exactement l’atmosphère.

Je suis tout à fait d’accord, la pochette est très belle et reflète parfaitement l’ambiance de ta musique. Pour revenir au thème de la mort, tu as écrit quelque part « Je désire refléter la conscience du vide, non seulement liée à un état d’esprit dépressif, mais également sur un plan idéologique et philosophique ». Tu peux développer ?

Comme je l’ai mentionné plus haut, je tente de fusionner mon approche, ma philosophie personnelle avec la recherche de la beauté immaculée des ténèbres – il en a résulté ces textes et plus simplement : Lament.

Lament03Tu te considères comme un chaosophe ? Un sataniste (si le terme n’est pas trop galvaudé) ?

Considérant que la Chaosophie me semble être le meilleur reflet de mes propres croyances et le restera sans aucun doute – Oui. Ensuite, si l’on distingue le vrai sataniste du poseur qui n’a en tête que de se vendre, je me rangerai dans la première catégorie.

Durant la dernière décennie, le courant Chaosophe est devenu très à la mode, aussi bien dans les différentes mouvances du Metal que dans le LHP. Que penses-tu de cette évolution et plus généralement de l’évolution contemporaine de la Chaosophie, les nouveaux ouvrages, auteurs, etc. ?

Pour parler franchement, je déteste les modes et les trucs tendance. Surtout s’ils naissent dans des sociétés fermées, élitistes et intellectuelles. Cela pourrait être la connotation péjorative du terme « trend » [NDT : le terme anglais signifie « tendance », mais également « inclinaison »], à laquelle je préfère sa connotation de « recherche ». La base du courant a déjà été posée et ce que nous vivons aujourd’hui, ce sont surtout des interprétations, ce qui était inévitable. À moins qu’elles ne s’en écartent trop, je suis favorable au fait de rechercher « la bonne approche ».

D’un point de vue personnel, quel a été ton premier contact avec le monde de l’ésotérisme ? Et quelles sont tes croyances aujourd’hui ?

Mon premier contact avec l’ésotérisme eut lieu lorsque j’ai réalisé que Dissection n’était pas seulement de la musique, mais quelque chose de plus grand. Mes recherches m’ont conduit à m’intéresser énormément à Jon Andreas Nödtveidt, ce qui – pour résumer – m’a conduit à étudier le Liber Azerate et à effectuer mes premiers rituels. Maintenant, je préfère appeler ces croyances un mode de vie. Je suis habitué à travailler avec certaines entités, par conséquent Lament est également lié à ces expériences.

Une question que j’aime beaucoup poser à mes victimes d’interviews : parmi les expériences magiques et mystiques que tu as pu vivre, quelle est celle qui t’a le plus marqué – si tu acceptes d’en parler ?

Ma dévotion envers Lucifer. Je travaille avec lui, car je me suis engagé à chercher la Gnose. Après avoir connu une forte sensation de présence m’enveloppant, après l’un des premiers rituels, je suis impressionné que cela dure. Surtout quand je compose, cette présence s’intensifie encore pour devenir presque physique.

Comment vois-tu le futur à court et à long terme pour tes projets artistiques ?

J’aimerais connaître l’avenir, mais pour le moment je n’en suis pas capable (rires). Actuellement, je me concentre sur les répétitions avec mes 3 musiciens, qui sont : Konrad – batterie, Deimos – Guitare et chœurs, et Aidan – basse. Je voudrais que Lament joue sur scène et offre à l’auditoire un pur et immaculé sentiment de désolation et une appréhension sensible de la beauté sombre. Ceci pour le court terme. L’avenir reste à découvrir, mais j’espère parvenir à éditer un recueil de poèmes occultes à la fois en polonais et en anglais.

On peut donc espérer voir Lament sur scène ? Comment envisages-tu l’atmosphère du concert ?

C’est plus que probable, dirais-je, puisque nous avons déjà commencé à répéter. Concernant l’atmosphère… Je prévois de jouer en live, non seulement pour donner des concerts, mais en espérant offrir une performance particulière et unique. Les détails sont encore à mettre en place, mais vous pouvez vous attendre à voir des silhouettes encapuchonnées, voilées par la fumée devant un petit autel couvert de bougies… Je désire offrir une expérience intense, pas seulement musicale.

Un dernier message à nous livrer ? Un petit mot pour les lecteurs de Rat Holes ?

Demeurez toujours fidèles à vos croyances et idéologies personnelles. N’arrêtez jamais de rechercher la beauté dissimulée dans l’obscurité, car la récompense sera à la mesure de l’intensité de votre désir, à condition de toujours progresser sur votre propre voie. Merci pour cette entrevue, Ave Ain.

Merci pour tes réponses :- )

Melmothia, 2015.

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Pré-commander l’album sur la page Bandcamp de Lament.

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Lament – A Heartwarming Tale Of Dead Me

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Lament – Where Abandoned Thoughts Dwell

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